Catacombes

Catacombes, petites histoires…

Tout le monde connaît, au moins de réputation, les catacombes de Paris. Mais l’ossuaire, qui fut créé essentiellement pour des raisons d’hygiène, donna lieu à des scènes cocasses, lors de sa création et de son déménagement.

Déménagement funèbre

En 1780, les riverains du cimetière des innocents constatèrent des phénomènes étranges.

Créé au V éme siècle, le cimetière jouissait, depuis 1554, d’une mauvaise réputation. Les médecins de la faculté de Paris avaient alors mené une fronde contre les risques de la présence d’autant de corps en décomposition près de lieux d’habitation. Mais ceci ne fut pas suivi d’effets, et les plaintes des riverains s’accumulèrent, jusqu’à la grande extinction des chandelles de 1780.

En effet, les voisins du cimetière n’y voyaient plus goutte, à la nuit tombée. Du moins, dans leurs caves. Les exhalaisons de corps filtraient à travers les murs, et éteignaient les chandelles de suif.  Ordre fut donné de peindre à la chaux les murs, mais rien n’y faisait.

Il faut dire que le cimetière des Innocents n’était pas un lieu particulièrement agréable. Si les inhumations bourgeoises étaient relativement peu nombreuses, environ 200 par an, le lieu de repos était également celui ou se trouvaient les plus importantes fosses communes de Paris. Et les fosses étaient bien remplies.

Le dernier fossoyeur du cimetière, un dénommé François Pourrain, signale aux enquêteurs avoir inhumé 90 000 morts en trente ans. Bref, la situation est calamiteuse.

Le 9 novembre 1785, le conseil d’état tranche et publie un arrêt. Le cimetière des innocents sera fermé, et les ossements seront transférés dans un tronçon des carrières de craie de Paris, qui sera baptisé catacombes, en références aux nécropoles romaines.

Les transferts de corps débutent immédiatement après la promulgation de l’arrêt. Le processus choisi est toujours le même : les corps sont retirés des charniers et des fosses, nettoyés, puis entassés dans des charrettes recouvertes de grandes bâches noires.

Une procession démarre alors du cimetière des Innocents jusqu’aux carrières de la Tombe Issoire. La marche est ouverte par un choeur chantant des hymnes, et suivie par des prêtres psalmodiant l’office des morts.

La fin du parcours est marquée par un puits de mine. Foin alors de respect ou de précautions : les charrettes s’approchent du puits, et y déversent leur funeste chargement. En bas, des ouvriers chargent à la fourche les ossements dans des brouettes et les amènent au secteur qui a été préparé. Chaque chargement, en effet, est entreposé à un endroit particulier, ou est ensuite apposé une petite plaque indiquant la date du transfert.

Une opération rondement menée, donc. Sauf que… Les autorités parisiennes ont décrété que, afin de ne pas perturber plus que de raison les habitants et ne pas nuire à la circulation (et vous noterez qu’à cet égard, les temps ont bien changé), l’ensemble des opérations se déroulent de nuit.

Voilà donc tous les parisiens habitant sur le parcours régulièrement, et plusieurs fois par nuits, tirés du sommeil par des hymnes funèbres et la messe des morts, rythmés par le bruit des sabots et le bruit des roues sur les pavés. Ce sont des parisiens de plus en plus nombreux, et aux cernes de fatigue de plus en plus prononcées, qui protestent, pour finir par être entendus. Les processions religieuses sont supprimés, et les convois d’ossements sont priés de se faire le plus silencieusement possibles.

Le 7 avril 1786, les catacombes sont consacrées une fois pour toutes par trois prêtres, ainsi que tous les défunts, présents ou à y venir. L’opération sera, au final, un succès, puisque, après le cimetière des innocents, ce seront seize cimetières, cent-quarante-cinq monastères, couvents et communautés religieuses et cent-soixante lieux de cultes entourés de leur propre cimetière dont les défunts suivront ceux des Innocents pour remplir les catacombes.

Guillaume Bailly

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