La Toussaint

Opinion : Toussaint, l’occasion manquée

La Toussaint s’est déroulée, cette année, conformément aux prévisions : sans tambours ni trompettes, quasiment en catimini. Et c’est dommage, parce que, cette année, elle aurait pu avoir un côté exemplaire, mais pas celui que l’on croit.

L’idée qu’ils n’ont jamais eue

Le marronnier de la Toussaint ne donnera pas ses fruits cette année. Il faut dire qu’habituellement, en novembre, le rendez-vous est incontournable pour les journalistes en mal de sujets, mais que, en 2020, de sujets ils ne manquaient point.

Il y a bien eu quelques timides articles, portraits de thanatopracteurs ou de fossoyeurs, et même ici où là une tentative sur « le business de la mort », mais non, on sentait que le cœur n’y était pas, et que toute l’attention se concentrait sur le confinement. Si l’on peut appeler cela un confinement.

A aucun moment, néanmoins, votre serviteur n’a espéré une pléthore d’articles soulignant le difficile travail des pompes funèbres en période de pandémie et des remerciements unanimes des français par l’intermédiaire de leur presse. Je suis dans le milieu depuis assez longtemps pour être lucide quand à la reconnaissance de notre métier.

Mais il y avait une autre occasion : montrer le Covid. Ou plutôt, montrer ses conséquences ultimes. Se rendre dans les funérariums saturés, montrer les cercueils simples fabriqués en grand nombre pour des mises en bière immédiates. Montrer des familles à qui on expliquait que les obsèques de leur cher disparu, pourtant sociable et aimé de tous, se dérouleraient en petit comité. Faire des gros plans sur les visages usés, fatigués, insister sur les cernes et les regards éteints, dans un long gros plan avec une musique larmoyante.

A pathos, pathos et demi

C’est du pathos, mais ça marche, et certains ne s’en privent pas. Comme un certain « documentaire » qui fait grand bruit actuellement, et qui n’est, en fait, qu’un film de propagande complotiste qui joue sur l’émotion pour que le spectateur ne réfléchisse surtout pas à la réalité de ce qui y est affirmé.

Ça a des conséquences, ce genre de choses, comme ce Tweet, par exemple :

Pour que les choses soient claires : ces « pourris » à qui ce brave individu se propose d’aller régler leur compte avec son flingue, ce sont, entre autres, les médecins qui s’occupent des patients atteints du Covid, les chercheurs qui travaillent sans relâche depuis des mois pour trouver un remède.

Et soyons encore plus clair : si il lui reste quelques balles, il en fera profiter ces salauds de croque-morts qui s’en mettent plein les poches. On en viendrait presque à regretter le bon vieux temps où certains étaient juste ingrats.

Et oui, c’est aussi ça, le complotisme. Pendant que l’on ricane sur ces idiots qui pensent que la Terre est plate, des mouvements sectaires avancent paisiblement et transforment les plus fragiles d’esprit en petites boules de haine prêtes à en découdre.

Et donc, justement, il y avait la Toussaint. L’occasion, pendant deux jours, de braquer les projecteurs sur les services funéraires. De montrer ce qui se passe, ensuite, lorsqu’on ne respecte pas le confinement ou les gestes barrière, lorsqu’on croit, parce que quelqu’un l’a affirmé dans une vidéo YouTube non sourcée, que le Covid n’existe pas et que l’on se comporte en conséquence.

Ce qui se passe aussi quand on a réduit le budget de l’hôpital depuis des années et qu’il n’y a plus de moyens pour faire face à l’épidémie, attention, ça marche des deux côtés.

Et ça, Olivier Becht l’a bien compris. Olivier Becht est député du Haut Rhin, président du groupe Agir ensemble à l’Assemblée Nationale. J’ai la mauvaise habitude, quand je cite un politicien, de lui tailler un costard ensuite, mais pour une fois, ce ne sera pas le cas. Dans Le Télégramme de Brest du 12 novembre, Olivier Becht explique que, pour faire comprendre à des gens la réalité du Covid, ils les a amenés voir des cercueils. Voilà. Simple, mais génial.

Ce serait incongru, bien entendu, que tous les médias se ruent comme ça sans, raisons sur les pompes funèbres. Sauf un jour dans l’année : la Toussaint. Mais ils ont préféré gloser sur les plateaux pour savoir si les écoles resteraient ouvertes ou si le gouvernement nous obligerait à porter le masque sous la douche. C’est dommage, quand même, il va falloir attendre un an.

Cet article est un article d’opinion, les propos n’engagent que leur auteur et ne sont pas forcément représentatifs de l’avis de la rédaction.

Guillaume Bailly

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