Stéphanie reconversion

Portrait : de la fonction publique aux pompes funèbres, la reconversion de Stéphanie

Crédits Photos Nicolas Busser / FEFFS

Il y a différentes manières d’arriver dans le secteur funéraire. Certains débutent dans le métier en ayant eu une vie et une carrière avant. C’est le cas de Stéphanie, devenue conseillère funéraire au terme d’une reconversion, par choix. Récit et bilan d’un parcours réussi.

Funéraire Actualités (FA) : Stéphanie, bonjour, merci de répondre aux questions de Funéraire Actualités. Tout d’abord, pouvez-vous vous présenter, pour nos lecteurs ?

Stéphanie : Bonjour Guillaume, je vous remercie pour votre invitation aussi inattendue, qu’adorable.

J’ai 40 ans et je vie en Alsace. Je suis Conseillère funéraire depuis 3 ans à présent.

J’aime profiter de mes parents, ma famille, mon chat Hagrid, passer du temps avec mes proches.

Depuis toute petite, je suis aussi une grande amoureuse de la Nature, où j’aime me ressourcer. La compagnie des arbres me va très bien.

Je refuse rarement de rendre service lorsqu’un particulier ou une association m’appelle, pour venir en aide à un animal en détresse, ou pour donner de mon temps libre sur divers évènements, comme à une époque les Portes Ouvertes de l’association ERA, Ethique et Respect Animal, composée de fabuleuses personnes qui se vouent au bien-être des chats.

Mais avec les astreintes les week-ends, cela devenait très compliqué.

Je suis aussi passionnée de cinéma fantastique, et pendant le peu de temps libre qu’il me reste, j’en profite pour être bénévole au Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg, que j’affectionne particulièrement, et qui organise régulièrement de gros évènements.

Je prête main-forte également à l’association caritative le 68e Impérial, lors du salon SF-Connexion.

J’ai également rejoins depuis peu une association de cosplayers, la Syrian Légion, qui regroupe des quatre coins de France, bon nombre de fanatiques de la série de science-fiction des années 80 : V. Chaque membre est costumé aux couleurs de la série.

Des occupations de cinéphile en somme !

Stephanie

FA : Vous avez un parcours atypique, puisque vous êtes entrée aux pompes funèbres en congé de la fonction publique, si j’ai bien compris ?

Stéphanie : Oui c’est tout à fait ça.

Auparavant j’étais fonctionnaire, et j’ai exercé pendant 18 ans le métier d’ATSEM (Agent territorial spécialisé dans les écoles maternelles).

Ces années sont passées à la vitesse de la Lumière.

Je m’occupais de jeunes enfants âgés de 2 à 5 ans. Atelier écriture, peinture, en journée dans le milieu scolaire, et le soir j’encadrais les enfants au périscolaire, en proposant des jeux, du jardinage, des histoires. C’était mon quotidien.

J’ai toujours apprécié la compagnie des enfants.

FA : Qu’est-ce qui vous a décidée à franchir le pas ?

Stéphanie : C’est une longue histoire…

Ce n’était pas facile de franchir le pas, de plus je m’entendais très bien avec mes collègues.

J’admire le travail des enseignants, du Service Petite Enfance, des Centres de loisirs, qui œuvrent chaque jour pour l’éducation des enfants, et qui veillent sans cesse à préserver cette étincelle d’émerveillement dans leurs yeux.

Mais j’avais besoin de changement, de me rendre utile différemment, je ne savais pas encore comment.

Et je me suis souvenue que j’avais apprécié mon stage de secrétariat médical, l’année où je passais mon BAC.

Ainsi, pendant plusieurs mois, j’ai passé mon diplôme de secrétaire médicale à distance, par des cours sur internet, le soir, et j’ai postulé à la DRH des Hôpitaux.

J’avais eu de très bonnes notes, j’ai obtenu un entretien.

Une dame souriante m’a accueilli mais l’entretien ne s’est pas déroulé comme je l’imaginais. Nous avons longtemps discuté, et elle m’a expliqué que j’allais m’ennuyer en tant que secrétaire, qu’elle ne pouvait pas prendre le risque de m’embaucher.

Elle m’a conseillé d’aller voir sur le terrain, dans les hôpitaux, dans le secteur du funéraire, où l’on manquait de bras. J’en ai parlé à mes collègues avec le cœur lourd, et elles m’ont dit, en plaisantant, que je n’avais qu’à me renseigner auprès d’un papa qui avait ses enfants dans notre école, et qui travaillait dans le domaine du funéraire.

Plusieurs semaines se sont écoulées et un jour, je me suis résolue, j’ai discuté timidement avec ce fameux papa, pour parler de son métier.

Il travaillait dans une entreprise familiale de Pompes Funèbres, très bien réputée.

Il m’a proposé de venir faire un stage-découverte, avec beaucoup de bienveillance.

C’était vraiment adorable, je ne le remercierai jamais assez.

Stage que j’ai fait, quelques semaines plus tard, pendant mes congés scolaires.

Et … C’est là que tout a commencé.

FA : Une fois la décision prise, comment ça s’est passé, concrètement ? Quelles actions avez-vous entreprises et que s’est il passé ?

Stéphanie : Cela a bien duré 3 ans.

Mon employeur m’avait accordé une formation en interne, sur une initiation à la règlementation funéraire dans les cimetières.

Mais ce n’était pas suffisant, car à l’époque, après avoir démarché plusieurs entreprises, le même son de cloche revenait toujours, il fallait que je vienne avec le diplôme déjà en poche.

C’était compliqué car il fallait que mon employeur accepte que je m’absente plusieurs semaines.

Il fallait également que je trouve un organisme pour passer le diplôme dans ma région, et payer le diplôme avec mes économies.

Cerise sur le gâteau, il fallait que je passe le permis, quasi obligatoire dans le funéraire.

Au final, après trois lettres de demande de formation dans le cadre du DIF, envoyées à mon employeur une fois par an, et cela pendant trois ans, j’ai eu son soutien pour me lancer dans cette aventure de six semaines.

J’ai contacté Nova Formation, et tout s’est enchainé très vite.

Diplôme en poche et permis voiture obtenu dans la foulée, j’ai envoyé CV et lettre de motivation à une toute petite poignée d’entreprises pour commencer.

J’ai obtenu un entretien après quelques jours, qui c’est très bien passé. Un grand merci d’ailleurs à mon recruteur, s’il me lit, pour m’avoir accordé sa confiance.

FA : Comment avez-vous été accueillie dans votre société, qu’ont pensé vos collègues de votre reconversion ?

Stéphanie : J’ai été globalement très bien accueillie. Et je trouve même que mes collègues ont fait preuve d’une patience sans faille. Une pensée pour ma directrice qui devait même m’expliquer le principe des congés payés. Elle s’étonne encore aujourd’hui, que j’ai laissé 11 semaines de vacances par an derrière moi.

FA : Au final, quel bilan tirez-vous de votre expérience, avec le recul ?

Stéphanie : Je vais finir par croire qu’il n’y a pas de hasard. Tout semblait se bousculer pour que j’avance dans ce sens. Une fois que j’avais pris ma résolution, et que j’étais déterminée, c’était long, fastidieux, et un sacré investissement au niveau du temps et de l’argent, mais je me sens à ma place, et utile auprès des familles qui traversent une période ardue, difficile.

FA : Qu’est-ce que ce métier a changé en vous ? A part votre couleur de cheveux (private joke) ?

Stéphanie : Hé oui ! Plus de piercings ni de tatouages apparents, un rouge dans les cheveux un peu moins vif à présent. Place aux tenues sobres et aux cheveux bien peignés. Mais cela ne m’ennuie pas, c’est un peu comme avoir une tenue de jour, une tenue de nuit.

Emotionnellement parlant cependant, c’était très difficile au début.

Accueillir une famille pour organiser des obsèques c’était compliqué, trouver les mots, gérer leurs angoisses, répondre aux multiples questions tout en planifiant la cérémonie à côté, cela relevait de l’impossible.

Je pense avoir gagné un peu en assurance dans la vie de tous les jours en exerçant ce métier. Lors des astreintes avec les collègues ou des réquisitions avec la police, j’ai assisté à des évènements très tristes et choquants, je pense que cela restera longtemps gravé dans mon esprit. On apprend à en faire abstraction et à garder la tête froide.

FA : Aujourd’hui, est-ce que votre regard a changé sur les pompes funèbres ? Y avez-vous trouvé ce que vous vous attendiez à y trouver ?

Stéphanie : Mon regard n’a pas changé aujourd’hui, et j’y ai trouvé bien plus que ce que je m’attendais à y trouver, d’ailleurs. J’ai la chance dans mon entreprise de pouvoir m’investir dans plusieurs domaines : la Marbrerie sous toutes ses formes et la confection de nouveaux monuments funéraires notamment, la Prévoyance et les contrats obsèques.

Je suis en relation avec le personnel des mairies, des églises, des cimetières, des journaux pour les annonces mortuaires, hôpitaux, tribunaux, EHPAD, crématoriums, de la police, la préfecture, le tribunal, mais aussi les fleuristes, les thanatopracteurs…

J’apprends tous les jours, et je ne peux qu’apprécier cela.

FA : Si je reviens vous voir dans un an, où vous trouverais-je, et qu’y ferez-vous, d’après vous ?

Stéphanie : Dans un an ? Qui sait ! Là tout de suite j’ai envie de dire que vous me trouverez dans ma petite agence, et je serai probablement entrain de vous servir un café, en vous demandant de me dédicacer tous les exemplaires de « Mes sincères condoléances » !

FA : Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui voudrait suivre le même parcours, quitter un métier où il est installé et se lancer dans le funéraire ?

Stéphanie : Je lui conseillerai de faire un ou plusieurs stages pratiques, dans diverses entreprises, s’il en a la possibilité, avant de se lancer. Ou même simplement de discuter avec différents professionnels du funéraire. C’est très important.

FA : Une dernière question, vous êtes dans l’Est, une région où le coronavirus a fait des ravages, quelle a été et quelle est la situation aujourd’hui ?

Stéphanie : C’était un véritable cauchemar cette épidémie. Avec les collègues, les confrères, et les différents corps de métier en lien avec le funéraire, tel que les médecins, les policiers, les pompiers, les morguistes, nous avions tous la même réflexion : est-ce que nous en verrons le bout un jour ? On ne voyait pas l’horizon.

Nous étions tous solidaires et nous nous concertions régulièrement pour connaitre la marche à suivre du jour. Les textes changeaient régulièrement, et parfois plusieurs fois par jour, car le virus prenait très vite de l‘ampleur.

Les familles ne pouvaient plus voir les défunts, plus d’habillages, plus de cérémonies, plus de fleurs.

Nous étions totalement débordés par les évènements, il y avait tellement de décès, pour si peu de bras.

Nous devions privilégier les inhumations de cercueil pour des raisons sanitaires, nos funérariums étaient au complet. Nous n’avions que quelques heures devant nous pour chercher les défunts atteints du COVID, ou en suspicion, et les familles devaient en priorité et au plus vite choisir un cercueil, car la mise en bière était désormais immédiate.

Il fallait privilégier les contacts par mail ou par téléphone avec les familles, c’était très compliqué pour les personnes âgées, parfois il fallait partir à domicile pour signer les demandes d’autorisations.

Mais je ne me plains pas, pas quand je pense à tous mes collègues porteurs, l’ensemble du personnel hospitalier, les ambulanciers, policiers, pompiers et tellement d’autres, qui étaient en première ligne, avec les deux pieds, les deux bras dedans, comme on dit.

Les directives données aux conseillers étaient de rester confinés dans les agences, autant que nous le pouvions, en tout cas.

Aujourd’hui nous avons à nouveau plus de laps de temps pour aller chercher les défunts, et avec une housse mortuaire simple. Les familles peuvent à nouveau nous rencontrer en agence, aller au funérarium pour prononcer un dernier adieu à leur défunt, les messes se déroulent à nouveau dans les églises, tout cela en respectant les gestes barrières évidemment.

Je trouve personnellement que le climat reste un peu anxiogène, et j’accueille toujours les familles avec masque et gel hydro alcoolique à leur portée, fenêtres ouvertes pour faire circuler l’air.

FA : Stéphanie, merci, le dernier mot est pour vous, qu’aimeriez-vous dire aux lecteurs de Funéraire Actualités.

Stéphanie : Un grand merci pour m’avoir lu jusqu’au bout. Je vous souhaite à tous de trouver votre voie,  professionnellement parlant ou non, même si cela peut prendre des années, et de vous y sentir bien.

Guillaume Bailly

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