fakes news

Les fantasmes sur le funéraire et la loi de Brandolini

Le métier des pompes funèbres fait fantasmer. Si, si, ne prenez pas cet air étonné. Mais il y a fantasme et fantasme, et « les nôtres » ne sont pas les plus sympathiques. Tenez, un exemple : est-ce qu’un de nos prédécesseurs a, oui ou non, bouffé un orteil ?

Rêves, fantasmes et cosmonautes

Il y a des métiers qui font fantasmer. Policier, pompier, cosmonaute font rêver les petits garçons, et certaines petites filles, qui ajoutent volontiers vétérinaire à la liste.

Et c’est bien normal : faire régner la loi et l’ordre, sortir d’un immeuble en feu avec une victime fraîchement sauvée dans les bras, se confronter à l’infini de l’espace et avoir le monde entier comme témoin lorsqu’on fait un premier pas quelque part, soigner des animaux qui feront ensuite une chorégraphie élaborée comme dans les dessins animés de Walt Disney, il n’y a pas à dire, ça fonctionne.

Plus tard, il y a les métiers qui font fantasmer. Trader et infirmière, par exemple. Trader parce qu’est-ce que ces mecs peuvent se faire comme pognon, pardon, je m’enflamme, et même si pour cela il faut se comporter comme le dernier des cyniques.

Infirmière parce que… Ah, mince, dans quelle situation je me suis mis encore ? Et bien disons que le métier d’infirmière fait fantasmer les hommes pour certaines raisons auxquelles Marc Dorcel n’est pas étranger.

Et puis il y a les métiers sur lesquels les fantasmes circulent, et il ne faut pas se voiler la face, le funéraire est dedans, et bien dedans.

Il y en a de toutes sortes : que les pompes funèbres se servent dans les poches et dans les dents (en or) des défunts, que nous cassons (ou scions, pour les sadiques) des os quand le corps ne rentre pas dans le cercueil, que les nécrophiles.

Non, la phrase d’avant n’est pas tronquée : « que les nécrophiles », ça suffit. Je ne suis absolument pas d’humeur à me mettre des images ne tête pour pouvoir vous les décrire, d’autant que vous voyez parfaitement de quoi je parle. Si vous voulez des descriptions voyeuristes, trouvez un article à propos des pompes funèbres sur un site putaclic, il y en a plein.

Et pourtant, nous sommes au XXIème siècle (pour les jeunes, X c’est 10, deux XX c’est donc 20, et le bâton I, c’est 1), les technologies de l’information sont très développées, et la sympathique équipe de Funéraire Actualités se décarcasse pour vous informer.

Alors, pourquoi ces balivernes continuent de circuler ? Pourquoi tant de gens pensent encore que nos prédécesseurs étaient des rustres qui croquaient les orteils pour vérifier que leur client était bien mort ?

Il est temps d’ouvrir une parenthèse de culture générale.

La loi de Brandolini

En janvier 2013, un programmeur italien, Alberto Brandolini, donne une conférence. Et, durant cette conférence, quelqu’un lui pose une question sur les croyances fausses, l’effet que la caisse de résonance qu’est internet pourrait leur donner, et comment les réfuter.

Brandolini énonce alors un principe qui va prendre son nom, la Loi de Brandolini, parfois aussi appelée « principe d’asymétrie des imbécilités ». Cette loi est assez simple :

« La quantité d’énergie nécessaire pour réfuter une idiotie est beaucoup plus importante que celle qui a permis de la créer ».

Observez votre interlocuteur. Quand il vous explique que les pompes funèbres font les poches des défunts, par exemple, et qu’il a lu quelque chose là dessus dans le journal. Vous lui rétorquez que non, l’affaire dont il parle, à Lyon, il y a quelques années, était exceptionnelle, que c’est extrêmement rare, vous lui parlez de procédures, d’inventaire des biens, etc. Observez. Observez bien. Vous verrez une subtile modification sur son visage, l’intérêt se substituer à l’ennui.

Il a envie de croustillant, vous lui parlez technique. Votre réponse est juste, mais barbante, de son point de vue, et il sera plus confortable pour lui de continuer à fantasmer sur des croques-morts nécrophiles et pilleurs de tombes.

La solution ? Il n’y en a pas. Pas d’immédiate, en tout cas. La patience, l’infinie patience, pour expliquer sans cesse, dans l’espoir d’isoler le fantasmeur dans son petit coin d’ignorance, et c’est tout.

Bon, mais est-ce que les croque-morts ont déjà croqué des orteils ? Non, bien sur que non, mais je n’ai pas envie de vous barber avec ça.

Guillaume Bailly

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *