Avoir confiance en soi, en pompes funèbres, n’est pas une qualité : c’est une exigence, un minima dont on ne peut pas se dispenser. Heureusement, cela s’acquiert. Quelques exemples pour commencer.
Paralysie totale
L’histoire est absolument véridique : dans une société de pompes funèbres importante, un porteur avait pris du galon. Homme d’une quarantaine d’année, intelligent, s’exprimant bien, la direction s’était dit qu’il ferait un bon Maître de Cérémonies. Dans un premier temps, il avait été amené à conduire quelques convois, avant de passer au stade au-dessus : il devait diriger sa première cérémonie civile.
Il avait été formé, bien entendu, mais ce serait la première fois qu’il passerait à la pratique. Le jour J, le voilà qui dirige l’équipe, procède avec eux au placement des fleurs, vérifie une dernière fois la check-list des morceaux de musique et des interventions, pendant que la salle se remplit petit à petit. L’heure arrive, il va chercher l’équipe, suit l’entrée solennelle du cercueil, supervise l’installation, puis, une fois les porteurs retirés, s’installe au pupitre, balaie l’assemblée du regard, fixe ses notes…
… Et rien. Pétrifié, pâle comme un linge, il continue de fixer obstinément le pupitre.
Fort heureusement, la procédure de la société impliquait que l’assistant son, celui qui était chargé de passer la musique, régler les micros, gérer les petits détails techniques, devait être un Maître de Cérémonie expérimenté lorsqu’un débutant officiait. L’assistant son pris donc la relève, dirigea la cérémonie en s’appuyant sur le conducteur dont il avait une copie, mais qu’il n’avait pas travaillé, et tout se passa très bien.
Et le Maître de Cérémonies débutant ? Il se recula dans un coin de la salle, fixant le sol et essayant de se faire oublier. Lorsque tout fut fini, on le chercha partout, en vain : il s’était éclipsé lors du dernier geste, était rentré chez lui, et nul ne le revis : la société de pompes funèbres reçut un arrêt de travail, suivi, une semaine plus tard, d’une lettre de démission.
Je me suis laissé dire qu’il travaille aujourd’hui comme pépiniériste à l’autre bout de la France.
Ses collègues se rappelèrent après coup qu’ils avaient passé les jours précédents à le rassurer. L’homme souffrait manifestement d’un manque de confiance en lui, que tout le monde avait manifestement sous-estimé et qu’ils avaient fini par payer au prix fort.
La première fois
Il y a toujours une première fois, et parfois ça se passe bien. Et souvent, ça se passe bien, mais sans excès. D’autres fois, plus rares heureusement, ça se passe mal.
Honnêtement, parmi les conseillers funéraires qui lisent cet article, et en essayant de ne pas enjoliver vos souvenirs, qui peut dire qu’il (ou elle) est content de sa première réception de famille en solo ?
Thanatopracteurs, la première fois que la porte de la salle de soin s’est refermée et que vous avez dû procéder seul, sur un corps qui vous avait confié, malgré vos heures de pratique, au bout de combien de temps votre main s’est elle arrêté de trembler ?
Porteurs, ce n’était pas trop dur, la première fois, avec les poignées du cercueil qui glissaient, la faute à votre transpiration excessive ? Il faut dire, cette grosse boîte avec un mort dedans que vous devez transporter bien droite avec tous ces gens qui vous regardent, il y a de quoi s’impressionner, pas vrai ?
L’importance de connaître sa valeur
Les métiers du funéraire ont ceci de particuliers qu’ils touchent à un domaine très sensible. Les familles qui vous confient leur défunt vous demandent plus que d’inhumer ou de crématiser son corps. Ils vous confient l’organisation des obsèques, c’est à dire une partie absolument cruciale de leur processus de deuil.
C’est, inutile de vous l’apprendre, technique et piégeux, puisque vous devez gérer la logistique, l’aspect législatif, l’aspect humain et parfois l’aspect biologique. Le manque de confiance en soi ajoute une autre facteur à gérer : soi-même, et sa terreur permanente de faire des erreurs. Commettre une erreur, ça arrive à tout le monde. Vivre dans l’angoisse permanente d’en commettre une est, paradoxalement, le meilleur moyen que ça arrive. Pas celle qu’on pensait, évidemment.
Donc : ayez confiance en vous. Pour ne pas vous ajouter de difficulté supplémentaire. Pour ne pas donner l’impression (désastreuse) à la famille que son défunt est entre les mains de quelqu’un qui ne sait pas ce qu’il fait. Attention, néanmoins, à ne pas sombrer dans l’excès inverse. Oui, ça non plus on en a pas parlé, mais la confiance en soi est une question d’équilibre et de juste milieu. Et nous verrons comment travailler les deux, plus concrètement, dans un prochain article, qui arrive très bientôt.
Guillaume Bailly