Confinement et Pompes Funebres

Aujourd’hui le chaos, demain le K.O

Les difficultés commencent à se poser de plus en plus aux pompes funèbres, et il ne s’agit pas que de problèmes de matériel. Le système funéraire tient, mais risque fort de craquer si la situation venait à se prolonger. Tour d’horizon des retours du terrain.

Risque de pénurie de cercueils ?

C’est Florence Fresse, Déléguée Générale de la FFPF, qui tire la sonnette d’alarme dans un article de France TV Info : la région parisienne risque de manquer de cercueils. Risque de pénurie, familles en colère qui ne comprennent pas toujours les mesures prises, saturation des chambres funéraires et des crématoriums, la situation est maintenue par le professionnalisme des entreprises engagées dans le secteur, mais a de furieuses allures de bombe à retardement.

Un entrepôt a d’ailleurs dores et déjà été réquisitionné à Rungis pour servir de morgue d’appoint. Ce qui ne manquera pas de rappeler à certains les pires heures de la canicule, avec ses camions frigorifiques garés sur les parkings des hôpitaux…

Il n’y a pas que la région parisienne qui soit en butte à ces difficultés : les foyers infectieux (ou « cluster », mot commun aux langues anglaises et snobs), surtout à l’est, subissent les mêmes avanies. Mais il n’y a pas que cela…

L’administratif à la traîne

« On perd des heures en paperasse » explique François (nom changé à sa demande). « Les mairies n’ouvrent que quelques heures le matin, et on doit faire la queue des heures pour déposer les déclarations de décès et récupérer les documents établis. Dans les petites communes, il y a parfois juste un ou deux fonctionnaire de permanence pour toutes les démarches, tous services confondus. »

Avec des conséquences inattendues « on est saturés d’appels pour des décès et de convoi, et ça immobilise un porteur parfois pour la matinée » et un peu moins attendues « ils est très fréquent, dans les petites mairies qui ont peu de moyen, que les documents soient plein d’erreurs ou qu’on nous remette une pochette qui ne nous est pas destinée. Un de mes collègues, une fois, était pressé, il a pris la pochette qu’on lui tendait sans vérifier, et une foi rentré au bureau, il s’est rendu compte qu’au lieu des certificats de décès qu’il pensait trouver, on lui avait donné.. Un permis de construire pour un abri de jardin. J’imagine la tête du jardinier qui a trouvé nos certificats dans la sienne… »

Tirer sur l’ambulance

Le personnel soignant est en première ligne, et il est légitime de les applaudir le soir à 20 H, même si il est encore mieux de les aider quand cela est possible. Mais force est de constater que certains soignants laissent à désirer en termes de solidarité avec les pompes funèbres.

« Un médecin n’avait indiqué aucune réserve sur le certificat médical » nous explique Patrick (nom changé), qui exerce dans le Var. « Sauf que, dans la partie cause du décès, il avait indiqué clairement ‘’covid-19’’, en grosses lettres capitales. Heureusement, il avait été appelé et avait laissé le soin à l’infirmière qui était avec lui dans le bureau à ce moment-là le soin de cacheter le volet confidentiel. Et heureusement que cette infirmière était mariée à un collègue, ce que le médecin ignorait, et a ‘’oublié’’ de fermer le bleu, de telle façon à ce qu’on le voie ».

Pour quelle raison ? « On ne sait pas, peut-être que certains médecins sont choqués que les défunts n’aient pas le droit à une cérémonie dans les formes, ou peut-être que la présence des pompes funèbres leur rappelle trop leur impuissance sur certains cas » explique Olivier (nom changé) dans le Nord, à qui il est arrivé la même mésaventure et ne doit son salut qu’au fait d’avoir été prévenu par un agent d’amphi.

Choquant, mais surtout commun, et le problème est là. Partout, à travers la France, des témoignages  sont partagés sur des réseaux sociaux sur les mêmes mésaventures.

Mais le pompon revient à ce chef d’un service hospitalier qui refusait que les pompes funèbres viennent avec un cercueil dans le service prendre un patient décédé du covid-19, avec mise en bière immédiate, donc, refusait que ledit patient soit transféré au funérarium, bref, exigeait des pompes funèbres qu’elles résolvent des problèmes que l’hôpital avait lui-même créé sans qu’ils aient lieu d’être. Il a fallu que l’entreprise les menace de les laisser avec le corps sur les bras pour qu’enfin le chef de service cède.

Demain le chaos ?

Combien de temps la machine tiendra-t-elle ? Jusqu’au bout, parce que c’est ce que les professionnels du funéraire ont toujours fait. Mais à terme, une fois cette histoire terminée, des enseignements seront tirés de cette épidémie.

Et il faut se faire comptable de ces histories, pour que les pompes funèbres tapent fort du poing sur la table. Sinon, les croque-morts seront, encore une fois, oubliés. Jusqu’à la prochaine.

Et enfin, à titre plus personnel, votre serviteur ne pouvais pas ne pas avoir une pensée pour une amie qui lui est très chère, qui travaille d’arrache-pied dans un foyer infectieux de l’est, et qui, le soir, retourne seule rénover l’appartement qu’elle vient d’acheter, les ouvriers ayant déserté le chantier. Et qui, malgré tout ça, réussit à s’inquiéter pour les autres, notamment votre serviteur pourtant bien planqué. Toi, aussi, Stéphanie, prends soin de toi. Et vous tous, prenez soin de vous.

Guillaume Bailly

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