Gambetta a inventé la thanatopraxie moderne

Comment Gambetta a inventé la thanatopraxie moderne à son corps défendant

Dans la plupart des grandes villes se trouve une rue, un boulevard ou une avenue Gambetta. Mais qui était Léon Gambetta, et qu’a-t-il faite entre sa naissance en 1838 et sa mort en 1882 ? beaucoup de choses. Il a notamment contribué à l’introduction du formol dans la thanatopraxie, et ce, après sa mort.

Gambetta, une vie

Membre du Gouvernement de la Défense nationale en 1870, chef de l’opposition dans les années suivantes, Léon Gambetta fut l’une des personnalités politiques les plus importantes des premières années de la Troisième République et joua un rôle clé dans la pérennité du régime républicain en France après la chute du Second Empire. Il a été président de la Chambre des députés (1879-1881), puis président du Conseil et ministre des Affaires étrangères du 14 novembre 1881 au 30 janvier 1882.

Il connut une fin étrange : blessé à la main alors qu’il s’entraînait au tir, il était sous surveillance médicale constante. Sous surveillance médicale, il trouve donc une oreille attentive lorsqu’il se plaint de maux de ventre, le 23 décembre. Le professeur Charcot, appelé à son chevet, diagnostique une péritonite inopérable (sans doute due à un cancer des intestins). Gambetta meurt le 31 décembre.

Léon, une mort

Un « embaumeur » est convoqué chez le grand homme pour y procéder à des soins de conservation. C’est un certain Baudiau qui s’y colle. Si la conservation par injection artérielle est alors maîtrisée depuis une cinquantaine d’années, c’est surtout avec des fluides à base d’alcool ou un fluide « préservatif » à base de sulfate simple ou double d’alumine, nitrate de potasse et borax.

Baudiau employa un fluide mis au point par le docteur Hoffman en 1868, sur la base d’une molécule découverte en 1859 par Boutlerov : le formaldéhyde.

Baudiau et son aide éprouvent des difficultés pour l’embaumement : Gambetta n’est pas un maigre, sa carotide est difficile à trouver, le corps est déjà en état de décomposition. Au bout de longues heures d’âpre travail, les deux hommes éprouvent une fringale, accentuée par les bruits de ripaille qui attendent à l’étage en dessous en cassant la croûte. Les deux embaumeurs descendent chercher pitance, mais se font éconduire : les savants ne vont pas partager leur table avec de vulgaires croque-morts !

Vexé, Baudiau invite son apprenti à déjeuner, et enferme le corps de Gambetta à double tour.

Gambetta sous scellés

Les médecins, s’apercevant que la dépouille n’est pas accessible, envoient des messagers à Baudiau, à l’auberge ou il déjeune, qui prend un malin plaisir à les renvoyer avec une excuse totalement farfelue. Finalement repus, il donne enfin les clefs à un médecin, et les hommes de l’art peuvent enfin procéder à l’autopsie de Gambetta.

Les médecins confirment la cause de la mort. Ceci n’est pas le point le plus intéressant. Le plus édifiant dans cette affaire est leur attitude : ils pèsent le cerveau de l’homme politique, et le résultat les surprend : un kilo 170 grammes. « il a le cerveau d’un crétin ! » s’exclame l’un, avant d’emballer le tout et de l’expédier le musée du professeur Broca.

Puis chacun prélève un petit souvenir : ainsi, outre son cerveau, Gambetta sera enterré sans son œil droit, son bras droit, ses entrailles et son cœur.

Baudiau, chargé de la mise en bière, écrira plus tard que « Gambetta était en lambeaux ». Ils le raccommode aussi bien qu’il le peut avant de le mettre dans son cercueil.

Le formol employé à l’époque a sans doute contribué au dessèchement du cerveau et à sa réduction de taille. Son effet n’a pas pu être observé sur le long terme, Gambetta ayant été mis en bière juste après l’autopsie, qui a eu lieu après les soins, une hérésie qui ferait bondir aujourd’hui. Il n’empêche : Gambetta fut le premier homme à être conservé grâce à une injection artérielle de formaldéhyde.

Au vu des événements, quelque chose me dit qu’il se serait volontiers passé de cet honneur. Son cœur, plus tard, fut transféré au Panthéon. Le reste s’est perdu…

Guillaume Bally

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