Plus de soins ni de toilettes

Covid-19 : les thanatopracteurs sur le carreau

C’était une décision sans doute inéluctable, et pourtant elle va laisser des séquelles durables bien après la pandémie : le Premier ministre a annoncé l’interdiction de tous les soins de conservation et celle des toilettes pour les personnes décédées du covid-19. La profession se déchire.

Plus de soins ni de toilettes

C’est fait : dans le Décret n° 2020-381 du 1er avril 2020, un article traite du cas spécifique des soisn de conservation :

« Art. 12-5. – Jusqu’au 30 avril 2020 :

 – les soins de conservation définis à l’article L. 2223-19-1 du code général des collectivités territoriales sont interdits sur le corps des personnes décédées ;
 – les défunts atteints ou probablement atteints du covid-19 au moment de leur décès font l’objet d’une mise en bière immédiate. La pratique de la toilette mortuaire est interdite pour ces défunts. »

C’est donc, techniquement, une mise au chômage partiel pour toute la profession de thanatopracteurs, qui dores et déjà se déchire. D’un côté, ceux qui pensent à la sauvegarde de leur activité et contestent cette décision. De l’autre, ceux qui prônent une prudence stricte vis à vis du covid-19 et approuvent cette décision qu’ils avaient réclamés à cors et à cris.

Loin de nous l’idée de nous immiscer dans cette controverse. En revanche, il convient de soulever un certain nombre de points.

Tout d’abord, une précision sur la date : si ce décret est valable jusqu’au 30avril, il pourra être prolongé plus loin, et sa date de fin sera sans doute concomitante avec celle du confinement. Elle livre néanmoins un indice sérieux sur le fait que la prolongation du confinement jusqu’au 15 avril n’est qu’une étape. Voici pour l’anecdote.

Questions gênantes

Mais ensuite viennent les questions. La première semble évidente : si tous les soins de conservation sont interdits, quelle que soit la cause du décès, pourquoi certaines toilettes restent autorisées ?

Le fait que les soins de conservation soient des opérations invasives et les toilettes non n’est pas un argument recevable. Rien ne prouve qu’après le décès, le covid-19 se retrouve à l’intérieur du corps et que l’extérieur est sain. Rien n’empêche donc un thanatopracteur ou un agent funéraire de faire une toilette, et donc de passer un long moment avec un défunt qui peut être contagieux sans en avoir été avisé. Et puis, une ligature de bouche, c’est invasif ou pas ?

Les cas existent, certes pas généralisés, mais assez nombreux pour être préoccupants, de personnes décédées du coronavirus confiées aux services funéraires sans que ceux-ci en soient avisés. Sans jeter la pierre au corps médical : l’état d’épuisement et de stress intense dans lequel sont plongés les personnels soignants dans certaines régions est une excuse tout à fait acceptable à cet oubli.

Mais soit on interdit tout par précaution, soit on n’interdit rien. Cette voie médiane, ce « et en même temps », est simplement injustifiable d’un strict point de vue logique.

Enfin, la question des pacemakers : qui va les retirer ? Les soignants saturés de travail, occupés à essayer de sauver des vies sans se contaminer eux-même et prendre le risque de ramener le covid-19 chez eux, dans leurs familles ? Ils ont certainement autre chose à faire, et là encore, la multiplication des tâches essentielles et subalternes est multiplicateur de risque d’erreurs.

Les thanatopracteurs ? Il va être très difficile, alors, d’expliquer à ces professionnels qu’on leur interdit d’exercer leur métier parce que c’est une « procédure invasive » dixit le Premier ministre, tout en les autorisant à procéder au retrait d’un pacemaker. La pilule risque d’être dure à avaler pour certains.

Et si, comme le rappellent de nombreux médecins, pendant la crise du coronavirus, les autres pathologies continuent d’exister, il semble également utile de rappeler que les pacemakers n’arrêtent pas non plus d’exploser durant la crémation.

De là à dire que ce décret est une poudrière, il n’y a qu’un pas.

Guillaume Bailly

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