Laurel et Hardi

Crématoriums, Libération allume le feu avec des bulletins de vote

Le journal Libération vient de publier une enquête sur les crématoriums. Ce qui peut être une bonne chose lorsqu’on souhaite informer le public. Mais là, non : c’est, purement et simplement, du journalisme idéologique, que d’aucuns nommeraient de la propagande. Revue de détails.

Libérez les journalistes !

Il y a beaucoup à dire sur l’enquête de Libération sur les crématoriums. Énormément, même. Mais, plutôt que de se pencher en détails sur le corps de l’article (ne vous inquiétez pas, on va le faire un petit peu), il convient d’abord de le contextualiser, avec des faits.

Dans le cas précis qui nous occupe, l’article est l’instrumentalisation d’une information biaisée à des fins électoralistes. Si on lit l’article sous un angle politique, on peut le résumer ainsi :

« Même morts, le capitalisme ne vous laissera pas tranquille et cherchera à faire du fric avec votre cadavre, ce qui n’arriverait pas avec des services publics. Un seul parti dénonce cela et, dites donc, ça tombe bien, il y a bientôt une élection avec un candidat de ce parti qui participe ». Avec un gros bouton rouge sous l’article qui renvoie vers d’autres papiers expliquant que ce parti est formidable.

C’est une action exercée sur l’opinion pour l’amener à avoir et à appuyer certaines idées (surtout politiques). Ce qui est au mot près la définition de la propagande. Et précisons-le tout de suite : le problème, c’est Libé, pas le parti en question, qui n’est vraisemblablement pas au courant.

D’expérience, et je commence à en avoir un peu avec le journalisme funéraire, lors des élections nationales, les partis ne vont jamais chasser sur le terrain du funéraire. Pour deux raisons : la première, le but est de séduire l’électeur, et le funéraire, ce n’est pas sexy, et de deux, ils ne connaissent rien au sujet, et ce, quelque soit le parti.

Un mandat ou rien

Il y a deux axes majeurs dans l’article. Le premier, que les crématoriums tombent aux mains du privé au détriment du service public. Le second, la gestion des métaux.

Alors, premier point, Madame Marie Piquemal, qui a signé l’article, sous-entend que les sociétés privées « ont la main » sur 86 % des crématoriums. Et bien, oui, vous avez tout à fait raison. Là où votre article est biaisé, c’est lorsque, en filigrane, vous expliquez que les sociétés privées font ce qu’elles veulent au détriment des familles et du contribuable.

Ce n’est pas le cas. Comme le dit l’article 2223-40 du Code Général des Collectivités Territoriales, « les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale sont seuls compétents pour créer et gérer, directement ou par voie de gestion déléguée, les crématoriums et les sites cinéraires destinés au dépôt ou à l’inhumation des urnes ou à la dispersion des cendres ».

Lorsqu’une commune décide de déléguer la gestion de son crématorium à une société privée, elle fixe les conditions d’exercice du mandat, sa durée, les tarifs, tous les détails, fait un appel d’offre, et sélectionne la société privée qui lui offre les meilleures garanties. La société privée, sur le temps de son mandat, gère le personnel, l’entretien des locaux et du matériel, et encaisse les honoraires stipulés au contrat.

La seule différence entre la gestion par le public et la gestion par le privé, c’est que cette dernière n’implique pas de recruter des fonctionnaires. Enfin, il y en a d’autres, mais c’est technique et la finalité est toujours la même : coûter moins cher au contribuable. Et les tarifs de crémation sont fixés… Par le conseil municipal, que ce soit un service public ou privé.

Bref, que deux mastodontes soient gestionnaires de la majorité du parc français peut, éventuellement, être considéré comme impactant pour les plus petites sociétés qui ont du mal à rivaliser et décrocher ces marchés, mais pour les familles et les contribuables, soit ça ne change rien, soit c’est positif.

Service public ne veut pas dire honnêteté, au passage. Contactez-moi, j’ai du dossier.

J’aime le métal

Un point soulevé dans l’article de Libé est la gestion des métaux rares dans les crématoriums. Et là, dans son diagnostic, Marie Piquemal a raison, ça ne marche pas comme ça devrait marcher.

Résumons le système : des métaux rares, issus de prothèses médicales, sont récupérés à l’issue de la crémation. Ils sont collectés par des sociétés spécialisées dans le traitement desdits métaux, qui les retraitent, les revendent, et reversent une part au crématorium.

A qui appartient l’argent ? A la famille ? Non. Dans l’absolu, oui, ces prothèses appartiennent au défunt, mais c’est la Sécurité Sociale qui les a payées et la famille ne peut recevoir indûment, même par ricochet, de l’argent public indu. Au crématorium ? Il a déjà été payé pour son travail. Au Trésor Public ? Ce n’est pas justifié par les textes.

Bon nombre de crématoriums ont donc tout simplement décidé d’utiliser cet argent dans des œuvres humanitaires, comme l’AP-HP, Mécénat Chirurgie Cardiaque, etc. Mais ce n’est pas le cas de tous les crématoriums, et il arrive que l’argent soit encaissé et… Rien, plus de traces de ces sommes spécifiques.

C’est problématique. Ça l’est depuis longtemps. Mais là encore, la présentation est biaisée. Le gestionnaire du crématorium, Funecap ou OGF, puisque ce sont les deux sociétés mises en cause par l’article, présentent les comptes à la municipalité qui leur a délégué la gestion. L’argent encaissé est déposé sur le compte du Trésor Public, qui rémunère le gestionnaire. Les seuls à avoir un pouvoir de décision sur l’utilisation des sommes perçues suite à la vente de métaux précieux, ce sont les décisionnaires municipaux. Et ce, que la gestion soit publique ou privée.

Là encore, le « tout service public » n’est ni une bonne, ni une mauvaise chose, ça n’a juste rien à voir. Vous pouvez élire qui vous voulez, si l’élu en question propose une bonne réponse à la mauvaise question, ça ne fonctionnera pas mieux.

L’élection présidentielle est un enjeu majeur en France, et il convient d’être prudent sur tout ce qui sort en cette période. Que ce soit, comme ici, sur le sujet qui nous concerne, que sur quoi que ce soit d’autre. La neutralité, pour un journaliste qui est avant tout un être humain, avec des biais et des engagements, est difficile, la neutralité dans un journal engagé est à la limite de l’impossible.

Moi-même j’ai eu du mal à me retenir. Pourtant, je suis un professionnel expérimenté dans une journal apolitique. Mais j’y suis arrivé…

…Votez Stan Laurel.

Guillaume Bailly

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