La découverte récente du corps d’une femme décédée depuis six mois dans un HLM à Brest a fait récemment la une de la presse locale. Et pourtant, ce genre de drame est quotidien. La faute à qui ?
Ces morts près de chez vous
Si vous êtes un professionnel du funéraire attentif à la presse locale, vous aurez certainement remarqué que le nombre de découvertes de corps en état de décomposition avancé qui font la une de la presse est nettement inférieur à celles que vous allez régulièrement chercher sur le terrain. Et, d’emblée, soyons clair : votre serviteur n’a pas de réponse à ce mystère, pourquoi certaines font la une quand d’autres passent sous le radar.
Récemment, une de ces découvertes a fait les gros titres du Télégramme de Brest. Une femme d’une soixantaine d’années découverte six mois après son décès dans son logement. Avec une interview d’une cadre de Brest Metropole Habitat (BMH), le bailleur social en charge du logement.
Ladite interview, d’ailleurs, est pertinente : la cadre explique que la société déploie des efforts considérables pour sensibiliser les gardiens à la solitude et permettre aux gens seuls de se sociabiliser, mais que le bailleur ne peut pas tout.
D’ailleurs, BMH souligne dans l’interview qu’ils font plusieurs interventions par an de ce type. En cas de doute, ils interrogent les voisins, relèvent les compteurs d’eau, et, si les soupçons sont confirmés, demandent une intervention des pompiers. Ils ont ainsi pu découvrir des gens victimes de malaises et sauver des vies, voire ont juste trouvé la personne tranquillement assise sur son canapé (elle devait avoir besoin d’une douche, mais c’est un autre débat).
Dans ce cas précis, la défunte ne semblait pas vouloir se lier à ses voisins de son vivant, et s’isolait, semble-t-il, volontairement. Elle n’avait, de surcroît, pas de famille : c’est, par les temps qui courent, de plus en plus fréquent.
Un signal d’alerte qui tend à disparaître, c’est la boîte aux lettres. Il y a quelques années, une boîte aux lettres débordante était un signal d’alarme. Aujourd’hui, entre les autocollants « Stop Pub » et la correspondance envoyée plutôt par e-mail, une boîte aux lettres un peu grande, comme celles qui équipent les immeubles, peuvent mettre des années à se remplir.
Ajoutez à cela les loyers qui se font de plus par prélèvement automatique, et vous obtenez une combinaison mortelle, sans mauvais jeu de mot.
A qui la faute ? On serait tenté de dire à la société, qui isole de plus en plus les individus en leur donnant l’illusion du contact à travers les réseaux sociaux. C’est même assez à la mode. Sauf que c’est faux : les découvertes de corps avaient lieu bien avant qu’internet entre dans les foyers. Elle ont augmenté, certes, mais on peut autant corréler cette augmentation à l’arrivée des réseaux sociaux qu’à d’autres évolutions de la société.
Alors, à qui la faute ? A la solitude. La solitude est humaine. Et tant qu’il y aura des humains, il y en aura qui vivront seuls et mourront seuls. Il faut savoir quand une situation est insoluble. On peut l’atténuer, en faisant un peu attention à ce qui nous entoure, mais il y a une limite à la bienveillance et cette limite fait que les pompes funèbres continueront d’intervenir sur ce genre de cas pour encore très longtemps.
Guillaume Bailly