Le 8 avril prochain sera votée une proposition de loi sur l’euthanasie. Et en même temps, comme aime à le dire le président, la France est sous pression concernant la légalisation du cannabis, et particulièrement ses usages thérapeutiques. Tout cela a-t-il une signification pour le funéraire ?
Euthanasié, saison 27
Le 8 avril prochain sera discutée à l’Assemblée Nationale une proposition de loi sur la fin de vie et l’euthanasie. Un serpent de mer en France : le débat sur le sujet revient régulièrement sur le devant de la scène à la faveur d’affaires médiatiques, avant de se retrouver poliment et discrètement raccompagné à la porte jusqu’à la suivante.
La situation n’est guère différente cette fois-ci. La majorité LREM est très divisée sur le sujet. Pas pour des questions éthiques, néanmoins : les députés macronistes se demandent simplement si aborder ce sujet à un an de la présidentielle est bien pertinent.
D’autres observent que voter un texte sur une forme de mort volontaire durant une épidémie de Covid où tous les efforts sont consacrés à sauver des vies pourrait sembler paradoxal à certains. D’autant que l’on imagine les complotistes en embuscade, prêts à crier au loup.
Tout cela rend le devenir du texte incertain, l’adage « dans le doute, abstiens-toi » pouvant prévaloir. Affaire à suivre.
Un autre sujet met la France en tension : le cannabis, et son dérivé, le CBD. Pour les néophytes, le cannabis est constitué de deux molécules : le THC, qui est psychoactif, et le CBD (cannabidiol), qui a des propriétés relaxantes. La législation française est floue sur le sujet du CBD, et un conflit récent s’est terminé par une décision de la Cour de Justice Européenne, donnant tort à la France.
Cette décision, même si la France semble réticente à l’appliquer, a donné des ailes aux défenseurs du cannabis à usage thérapeutique, forme de consommation dans laquelle la molécule de CBD joue le rôle principal.
De l’autre côté, l’industrie pharmaceutique met la pression pour que la législation évolue (demandant le monopole au passage). Et elle n’est pas la seule : les plus gros investisseurs dans la production de cannabis dans les pays où la consommation a été légalisés sont… les fabricants de tabac.
Changement du rapport à la mort
Mais quel est le rapport avec le secteur du funéraire ? Directement, rien. Et pourtant, nous nous dirigeons, lentement mais sûrement, vers un changement de paradigme.
La mort est devenue un tabou ces dernières décennies, où elle était dissimulée, aseptisée, cachée. Nul n’avait envie de voir, dans cette « société parfaite » que nous vendent les médias de consommation, du feuilleton télé à la coupure publicitaire, la souffrance et l’agonie sur un lit d’hôpital aux murs froids dont la peinture s’écaille.
La légalisation éventuelle de l’euthanasie, mais plus encore l’auto-médication, en termes de soins palliatifs dans une certaine mesure avec le CBD, peut changer le regard sur la mort. Le public va pouvoir se la réapproprier, en pouvant en contrôler la qualité et le moment.
Il y a une différence majeure entre voir un proche relié à des machines, souffrant et méconnaissable, et le voir paisiblement chez lui, tirer sur sa pipe électronique un cannabinoïde, en choisissant paisiblement le jour et l’heure de sa mort. Ce que l’on cachait pourrait devenir un sujet de conversation avec les proches, un projet où ils seraient impliqués.
Cela aura-t-il un impact sur le secteur funéraire ? Certainement, même s’il est sans doute trop tôt pour dire lequel. Si l’on suit une certaine logique, le futur défunt devrait également se soucier de ses obsèques, voire les organiser lui-même et les payer en avance. Comme un contrat de prévoyance à court terme.
Il est encore trop tôt pour prévoir la façon dont cela pourrait faire évoluer les choses dans notre domaine. La problématique existe déjà ailleurs mais chaque pays a ses spécificités mais pas forcément transposables culturellement parlant.
Il convient néanmoins d’être à l’écoute du monde et des soubresauts de sa civilisation. Cela évite des déconvenues, comme être dans le rôle du suiveur avec dix ans de retard…
Guillaume Bailly