Fin de vie

Euthanasie, fin de vie, pourquoi certains y sont opposés ?

Alors que le débat est en cours à l’Assemblée Nationale sur l’euthanasie qui en dit pas son nom, des voix opposées au projet se font entendre. Réduites à des clichés ou caricaturées, elles portent pourtant des arguments qui méritent qu’on y réfléchisse.

(Note : cet article n’est en aucun cas militant, mais la simple volonté d’écouter les arguments minoritaires afin d’essayer de contribuer, à notre échelle modeste, à un débat éclairé)

Refuser l’euthanasie n’est pas accepter la souffrance ?

« La vie humaine est sacrée et inviolable », écrivait le pape François dans son encyclique « Laudato si ». Commençons tout de suite par les arguments religieux pour mieux les laisser de côté : non pas qu’ils soient quantité négligeable, mais ils regardent chacun individuellement. Loin de nous la volonté de dire que la pensée religieuse devrait être tue, mais elle ne doit pas être imposée à autrui.

Rappelons à ce propos que l’idée principal de Jésus Christ est « choisis ». En d’autre termes, surtout dans la religion catholique, se comporter comme un chrétien par obligation n’a aucune valeur. Un catholique qui essaie d’imposer ses idées à tous, donc, non seulement se fatigue pour rien, mais contredit Jésus Christ, ce qui n’est pas terrible, convenons en.

Mais toute théorie n’est pas à rejeter en masse : c’est à ça que servent les intellectuels. Par exemple le professeur de droit Jean-Pierre Mignard, qui souligne « l’euthanasie est une porte ouverte à l’eugénisme », une pente glissante qui pourrait conduire à des dérives inacceptables, et qui posent la question des critères et de leur évolution.

Comment définir les critères qui permettraient de déterminer qui est éligible à l’euthanasie ? Les opposants soulèvent la difficulté de définir des critères clairs et objectifs, qui ne soient pas soumis à l’arbitraire des médecins ou des familles. Comme le souligne le docteur en médecine Patrick Verspieren, « les critères de ‘souffrance insupportable’ ou de ‘maladie incurable’ sont trop subjectifs et pourraient conduire à des interprétations arbitraires ».

Un patient en phase terminale d’une maladie dont l’issue est fatale qui demanderait à abréger ses souffrance, c’est entendu, est l’exemple qui nous vient tous en tête. Mais les critères, une fois existants, ne peuvent être qu’élargis. Et qui dit que, peut être pas demain, mais après demain, on décidera d’euthanasier une personne parce qu’elle est un peu différente, et que sa différence est incurable et lui cause une souffrance insupportable ? Et qui en déciderait ?

En d’autres termes, combien de temps avant que des politiques se disent « bon, les trisomiques, autistes, paraplégiques, handicapés, leur souffrance est insupportable, non ? En plus, ils coûtent cher » ?

En Belgique, pays qui a ouvert la voie de l’euthanasie quelques années avant la France, Olympe, une jeune femme de 23 ans, a suscité un grand débat public en annonçant sur Instagram sa décision de recourir à l’euthanasie en raison de sa souffrance psychique liée à une dépression. Elle a expliqué avoir déjà tenté de se suicider plusieurs fois et ne plus voir d’issue à sa souffrance. Après avoir suivi la procédure légale pour demander l’euthanasie en Belgique, qui implique une évaluation par plusieurs médecins et une période de réflexion, Olympe a décidé de mettre fin à ses jours.

L’annonce d’Olympe a provoqué une vague de réactions contrastées. Certains ont exprimé leur soutien à la jeune femme, saluant son courage pour parler ouvertement de sa souffrance psychique. D’autres ont exprimé des inquiétudes quant à la décision d’Olympe et ont remis en question la procédure d’euthanasie en Belgique.

Et c’est la la question essentielle : le cas d’Olympe est, pour certains, l’exemple le plus marquant de faillite de la prise en charge de la psychiatrie par les services de santé belges. Olympe a voulu mourir parce que le système n’a pas su lui apporter l’aide dont elle avait besoin. Plutôt que de travailler pour améliorer ces manques, toujours selon les opposants à l’euthanasie Belge, le législateur a trouvé plus simple d’autoriser le patient à mourir.

Et, soyons clairs : la Belgique est un exemple. La France est loin d’être mieux. Non seulement sur la prise en charge de la psychiatrie, et, soyons honnêtes, dans l’examen du projet de loi, POUR L’INSTANT, des cas comme ceux d’Olympe ne seront pas possibles, mais aussi pour les soins palliatifs.

Parce que c’est le volet le plus crucial, celui qui est le plus mis sous le tapis : les carences en termes de soins palliatifs, et la difficulté voire l’impossibilité d’appliquer la Loi Léonetti. Ce qui fera l’objet du second volet de cet article, les alternatives.

Références :

Pape François, « Laudato si' », 2015
Jean-Pierre Mignard, « L’euthanasie, une porte ouverte à l’eugénisme », Le Monde, 2015
Organisation mondiale de la santé, « Définition des soins palliatifs », 2018
Patrick Verspieren, « L’euthanasie, une question complexe », Études, 2015
Conseil national de l’Ordre des médecins, « L’euthanasie et le suicide assisté », 2015
Claude Léonetti, « La loi relative aux droits des malades et à la fin de vie », 2005
Association française pour la promotion des soins palliatifs, « Les soins palliatifs, une réponse adaptée aux besoins des patients en fin de vie », 2018

Guillaume Bailly

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