Après avoir survolé, dans la première partie, les arguments des opposants à la loi actuelle sur la fin de vie, il faut s’interroger sur les alternatives. Et on découvre que l’alternative existe déjà, mais qu’elle a été, consciemment ou non, sabotée au cours des dernières années.
La loi Léonetti, bijou juridique
Dans la première partie, nous avions succinctement exposés les arguments des opposants à la loi fin de vie actuellement en discussion.
Il en manquait encore un, l’essentiel : les militants en faveur de cette loi eux-même. Si il y a, parmi eux, des proches de personnes ayant subi la maladie et la mort et que ce texte pourra satisfaire, il y en a d’autres beaucoup plus orientés politiquement, vers le progressisme et le transhumanisme.
Et pour eux, le vote de cette loi ne sera pas la fin d’un cycle, mais au contraire le début. Chaque année, ils reviendront à l’assaut pour exiger l’extension de la loi, ceci, avec des arguments juridiques mettant en avant la « rupture d’égalité ». Si untel a le droit, alors pourquoi lui ne le pourrait pas. Là encore, ce n’est pas une opinion, mais les conclusions d’un certain nombre d’observateurs spécialistes de ces mouvements militants.
Et, par transparence, votre serviteur vous livre sa propre opinion, comme ça, c’est clair : ce qui m’inquiète, c’est que donner la mort à une personne en difficulté sera plus facile que de l’aider à vivre. Et, surtout, moins onéreux. Dans un état en faillite où le personnel politique, dont le plus important, disent de certains choses que « ça coûte un pognon de dingue », ma sirène d’alarme personnelle braille sans discontinuer. Fin de la parenthèse.
Cette loi, en revanche, serait magnifique dans un monde où les personnes concernées auraient vraiment le choix, et pas seulement entre « la souffrance ou la mort ».
La loi Léonetti, adoptée en 2005 et renforcée par la loi Claeys-Léonetti en 2016, est souvent qualifiée de « bijou juridique » en raison de son équilibre subtil entre le respect de la dignité des patients en fin de vie et la prévention de l’acharnement thérapeutique. Elle interdit l’obstination déraisonnable et garantit aux patients le droit de refuser un traitement, tout en mettant en place une procédure collégiale pour les décisions médicales lorsque le patient ne peut plus exprimer sa volonté.
Cette loi est également saluée pour son approche humaniste, qui place le patient au cœur du processus décisionnel et impose aux médecins de respecter ses directives anticipées. Elle permet une meilleure prise en charge de la souffrance en autorisant la sédation profonde et continue jusqu’au décès lorsque le pronostic vital est engagé à court terme.
Éthique médicale, autonomie du patient et cadre juridique clair : la Loi Léonetti aurait du faire de la France un paradis pour les patients en fin de vie (toutes proportions gardées). Alors, qu’est-ce qui a mal tourné ? Parce que si la loi Léonetti était appliquée dans sa plénitude, une loi sur l’euthanasie serait inutile.
L’argent.
C’est cru, c’est pragmatique, mais la seule raison est l’argent.
La loi Léonetti s’appuie sur les unités de soins palliatifs où les patients peuvent finir sereinement leurs jours en étant accompagnés et reçoivent des traitements médicaux destinés à soulager leur souffrance. Les personnels y sont formés pour écouter, prendre leur temps, donner à leurs patients et leurs proches un cadre apaisant et compatissant.
Le financement des soins palliatifs en France n’a jamais atteint, depuis la création de ces unités, 50 % des besoins. 19 départements, à l’heure où nous écrivons ces lignes, sont entièrement dépourvus de ces services. Le gouvernement a annoncé 1,1 milliards en tout pour développer les soins palliatifs entre maintenant et 2034. C’est ce qu’il faudrait annuellement.
Et c’est là qu’est le principal problème : le manque de moyens pour appliquer la Loi Léonetti est ce qui a rendu « nécessaire » cette nouvelle loi sur la fin de vie. Et c’est aussi elle qui est censée donner le choix aux patients entre mourir ou souffrir. Or, on constate que la volonté politique pour les soins palliatifs est, à tout le mieux, nulle.
C’est votre droit, tout à fait légitime d’ailleurs, de penser que ce qui se passe actuellement est une bonne chose. Mais il y a également un droit, tout aussi légitime, qui est de penser qu’on s’est faits avoir.
Guillaume Bailly