Madame Chombier

Humeur : Au revoir, Madame Chombier, dommage que les croque-morts ne soient pas profs

Une interview de Jean-Marie Bigard, sur France Bleu, où l’humoriste a sévèrement dérapé, est l’occasion d’évoquer quelques vieux souvenirs de raconteur d’histoires du funéraire. Et de se dire que le comique déchu aurait peut-être du y faire un stage.

Carte postale du passé

Pour mes petites histoires de croque-morts, j’avais « emprunté » Madame Chombier à Jean-Marie Bigard.

Bon, ça date un peu, tout ça, pour les plus jeunes d’entre vous, j’ai commis quelques livres aux Editions de l’Opportun, dont « Mes sincères condoléances », trois tomes parus. Des petites histoires de croque-morts, qui avaient rencontré un écho assez surprenant. Au passage, le succès du livre à l’époque n’est pas ce qui m’a rendu le plus fier. Ce qui me rend le plus fier, c’est que, six ans après, certains s’en souviennent encore.

Et donc, pour diverses raisons, au premier plan le secret professionnel, je ne pouvais pas bien évidemment conserver d’éléments permettant d’identifier les familles dont je parlais, à commencer par leur nom. Je m’étais donc tourné accidentellement vers Jean-Marie Bigard.

C’était dans son sketch « la valise RTL », Madame Chombier était la pauvre dame à qui la valise passait sous le nez, et, un soir, alors que je travaillais sur un texte et que j’avais besoin d’un nom, j’avais écrit ce patronyme, « Chombier ». Provisoirement.

Puis l’habitude est restée, c’est devenu une sorte de running gag. Vous savez, le provisoire définitif.

Je ne sais pas si il y a quelque part une famille Chombier, mais, si c’est le cas et dans l’hypothèse hautement improbable où ils lisent ceci, je tiens à m’excuser auprès d’eux du nombre incroyable de fois où je les ai tués, re-tués, fait tomber dans des fosses ou s’effondrer, ivres morts, au milieu d’un cimetière. Entre autres misères, et sans compter sur les horreurs que je leur ai fait proférer.

Tout ça est vraiment arrivé, mais pas à eux. Navré.

La chute de la maison Chombier

Mais ce n’est pas de cela dont je voulais parler à l’origine. Bigard, c’était le mec un peu lourdaud, mais drôle, pas drôle à la façon subtile et raffinée d’un Desproges, pas burlesque à la manière d’Alphonse Allais, drôle à la façon d’un pote drôle que l’on est content de retrouver en soirée.

Outre « la valise RTL », j’adorais aussi son sketch sur les films d’horreur, ou celui sur la chauve-souris. C’étaient des gens comme Pierre Palmade et Laurent Baffie qui les lui écrivaient, des pointures. Et puis, la suite m’a moins plus, il est un peu sorti du radar.

Ce soir, juste avant d’aller dormir, j’ai regardé vite fait sa dernière interview à France Bleu. Elle avait fait un peu de bruit, et je suis curieux.

Éructant, vitupérant, engueulant, braillant, il proférait des énormités sur des choses auxquelles manifestement il ne comprenait pas grand-chose, le visage déformé par la haine. C’était horriblement gênant. Il aurait pu faire pitié si il ne faisait pas peur.

L’homme qui se tenait là n’était que l’ombre de celui qui avait fait perdre la valise RTL à madame Chombier, puis ridiculisé les films d’horreur avant d’avouer sa peur des chauve-souris. Il serait aujourd’hui incapable de les jouer avec la bonhomie malicieuse qui était sienne à l’époque. Le charme était rompu.

C’est assez ironique que sa Madame Chombier ait été récupérée pour en faire des histoires de pompes funèbres, probablement sans qu’il le saches. Parce que ce dont il aurait bien besoin, c’est justement d’un stage en pompes funèbres. Pour deux raisons.

La première, c’est qu’il pourrait voir dans le dur la réalité du COVID qu’il considère si peu. Il pourrait voir l’épuisement sur le visage des soignants dans les CHU saturés où les pompes funèbres vont chercher le défunt. Il pourrait voir le désespoir des familles qui ont perdu un proche et doivent l’enterrer en petit comité. Peut-être se poserait-il la question de la réelle efficacité du traitement proposé par un certain marseillais qu’il défend à corps et à cris.

Il verrait aussi, lui qui prétend vouloir défendre le peuple, que ce dont ont besoin les gens dans des périodes de crise, c’est quelqu’un de calme et rassurant, qui explique calmement les choses et s’impose un peu comme une lueur dans l’obscurité. Le contraire de cette crise hurlante et vitupérante dont il a fait la démonstration à la radio et qui fait fuir plutôt qu’autre chose.

D’un certain côté, c’est tant mieux : les pompes funèbres n’ont pas vocation à devenir un stage de fin d’études pour aspirants gourous.

D’habitude, c’est là que je met une chute drôle, mais désolé, ce soir, je n’ai pas le cœur à ça. Ma vieille compagne d’écriture vient de s’en aller. il va falloir que j’en trouve une nouvelle et que je m’y habitue.

Au revoir, Madame Chombier, et merci pour tout.

Guillaume Bailly

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *