Pratiques Conscience

La conscience de Jonathan

Jonathan , ancien salarié d’une société de pompes funèbres, témoigne des pratiques de son entreprise. • © France 3 Aquitaine

C’est un témoignage qui tourne beaucoup ces temps-ci, dans les médias : celui de Jonathan, ancien employé des pompes funèbres qui s’épanche sur les horreurs qu’il a vues. Témoignage qui démontre que les journalistes n’ont pas peur de se salir : ils sont partis racler les fonds d’égouts, sans se soucier de faire leur vrai métier, informer.

A nuisible, nuisible et demi

Jonathan n’en peut plus, Jonathan pleure, Jonathan s’épanche dans les médias pour guérir ses blessures de l’âme. Qu’arrive-t-il à ce pauvre homme ? Il a travaillé aux pompes funèbres, et il y a vu des choses horribles. Des os qui claquent quand on sort un corps hors gabarit d’une case réfrigérée, ce genre d’horreurs.

Oui, j’en vois qui haussent déjà un sourcil. Poursuivons.

Il raconte par exemple qu’il possède des témoignages et documents pouvant, par exemple, une inversion de corps. Pour la faire courte, un porteur est arrivé au funérarium, il n’a pas trouvé le corps qu’il est venu chercher, il a appelé son chef qui lui a dit d’en prendre un autre.

Pour le lecteur lambda de France 3 ou Le Parisien, c’est une histoire horrible, qui impressionne. Pour un professionnel du funéraire, c’est un grand n’importe quoi. Si le funérarium appartient à la société, elle sait forcément où est le corps, il y a des documents d’entrée, de sortie, un cahier (que la DGCCRF peut demander à consulter n’importe quand), et si le funé n’appartient pas à la société, alors il y a quelqu’un pour le leur indiquer.

Chaque corps est identifié par un bracelet, et..

…ET PUIS ZUT ! En admettant, mettons de côté toute velléité de réalisme, en admettant que le chef ait vraiment ordonné au porteur de prendre un autre corps, qui serait assez stupide pour ensuite conserver dans ses archives des documents qui le prouvent ?

A l’attention des familles qui nous lisent

Je sais à quel point le témoignage de Jonathan est spectaculaire et inquiétant. Considérez simplement ces quelques points.

– Les pompes funèbres sont un métier extrêmement réglementé, et surtout, qui ne travaillent pas seules. Intervenants extérieurs, funérariums, thanatopracteurs, policiers et gendarmes, marbriers, confrères, sans oublie les services de l’Etat-Civil, les religieux, etc. Chacune de ces personnes aurait pu, à n’importe quel moment, se rendre compte des faits, ce qui équivaut, pour la pompe funèbre mise en cause, si ils sont avérés, une fermeture immédiate et définitive.

– On n’improvise pas, dans ce métier. Justement parce que c’est un métier. Il a des procédures, des techniques, et face à chaque exemple cité par Jonathan, il y a une procédure qu’il aurait été plus simple de suivre et des techniques faciles à appliquer. Par exemple, ça ne sert à rien de couper le tendon d’un défunt qui ne rentre pas dans son cercueil, il suffit de faire un massage sur l’articulation pour qu’elle se plie. Et si le cercueil est trop petit, on va en chercher un plus grand. Mais le gars dont le travail consiste à s’assurer de la taille du défunt passera un sale quart d’heure ensuite.

– On parle beaucoup de l’omerta dans les pompes funèbres. C’est vrai, elle existe, mais pour une raison simple : vous protéger. Parce que parle de techniques, même si elles sont précises et respectueuses du défunt, face à une famille, c’est lui imposer des images dont elle se passerait bien. Et, surtout, il y a tellement de croyances, de fantasmes et de préjugés sur notre métier qu’il vaut mieux se taire que de courir le risque d’être mal compris, parfois volontairement.

A qui le crime profite ?

Alors, pourquoi Jonathan va-t’il s’épancher ainsi dans les médias ? L’explication se trouve en général dès les premiers paragraphes : il est actuellement en procès contre son ex-employeur. Et il a tout intérêt à s’assurer que ce dernier aie l’image la plus négative possible.

D’ailleurs, ce grand traumatisé l’explique tranquillement aux journalistes qui ne réagissent manifestement pas, il a commencé à collecter témoignages et « preuves » (on va y revenir, sur les preuves) lorsqu’il a commencé à y avoir de l’eau dans le gaz entre lui et ses employeurs.

On en conclut qu’avant, c’était pareil mais ça ne le dérangeait pas ?

Puis il a été voir la justice, qui a ouvert une enquête préliminaire en novembre 2020. Avec tous ces témoignages et ces preuves, ça devrait aller vite.

Et non.

L’enquête préliminaire est ouverte suite au dépôt d’une plainte. La police, ou la gendarmerie, doit, lors de cette procédure, pour « déterminer la vérité ou les torts ». Lorsque les enquêteurs trouvent quelque chose, ils le transmettent au Procureur, qui ouvre une information judiciaire, qui est le stade au dessus. Lors de l’information judiciaire, un juge d’instruction est nommé, et un dossier est ouvert : l’affaire existe.

Sauf que là, cela fait sept mois que l’enquête préliminaire est ouverte, et toujours pas d’information judiciaire. C’est longuet. Curieux, alors que j’avais affaire l’autre jour, à Brest, non loin du tribunal, j’ai décidé de faire un crochet par là. A l’accueil, on m’a adressé à un greffier, à qui j’ai posé cette simple question : « A partir du moment où l’enquête préliminaire montre un ou plusieurs éléments qui prouvent que l’affaire est réelle, combien de temps cela prend il au procureur d’ouvrir une information judiciaire ? »

Sa réponse, claire et courte : « environ une demi-heure ». Une demi-heure, pas sept mois.

Gardons en tête le cas de Thierry Morice, qui a été totalement blanchi après cinq ans de procédure pour une histoire de vol de capiton dont on ne se lassera jamais de répéter qu’elle était ridicule. Une information judiciaire a été ouverte rapidement, des exhumations décidées pour des affirmations bien moins graves que des profanations de corps. Là, rien ? Pourquoi ?

Les médias en roue libre

Si la justice ne trouve pas matière à accuser, peut être les médias devraient ils se poser les bonnes questions, dans leurs articles uniquement à charge. Parce que ces articles atteignent toute une profession qui prend déjà très cher, pardon pour l’expression populaire. Vous savez ? « on en a gros ». Les questions ci-dessus.

Le sommet est atteint avec Michel, Maître de cérémonies, qui confirme les dires de Jonathan. Accrochez vous : il n’a jamais vu aucune des sociétés avec qui il travaille faire ce genre de choses, mais il sait qu’ils en sont capables, et, la conclusion, sublime, il n’a jamais rien vu, mais il sait que ça existe. Le dernier qui m’a dit ça était un chasseur de fantômes. Sauf que les chasseurs de fantômes sont inoffensifs, ils font leur truc dans le coin sans jeter l’opprobre sur toute une profession.

Enfin, pour faire bonne mesure, on nous ressort Michel Kawnik de la naphtaline. Vous savez, Michel Kawnik, de l’AFIF, celui qui ne connaît tellement rien au métier qu’il s’en est fait virer il y a plusieurs années et ne cesse de s’acharner depuis sur la profession ?

Et la contradiction ? Et bien deux médias, qui ont publié des articles, ont appelé votre serviteur. Avec un d’entre eux, je suis resté plus d’une heure au téléphone, à expliquer les procédures, les risques encourus par les sociétés qui s’amuseraient à ce genre de pratiques, etc. Bref, à apporter une voix contraire qui équilibrerait l’article. Et bien, il semble que l’équilibre ne soit pas l’objectif premier, vu que votre serviteur n’apparaît nulle part.

Quand à toi, Jonathan, oui, je te tutoie, il paraît qu’on est collègues, après tout : ce que tu fais, là, salit 25 000 travailleurs du funéraire en France, qui sont méprisés et oubliés, particulièrement depuis la crise du Covid, et qui vont mettre des mois, voire des années, à s’en remettre. C’est tout ce que j’ai à te dire. Je te laisse t’expliquer avec ta conscience, si tu en as une.

Guillaume Bailly

Suite à un article de : https://france3-regions.francetvinfo.fr/nouvelle-aquitaine/temoignage-d-un-ancien-salarie-des-pompes-funebres-des-pratiques-obscenes-2075404.html

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