Des obsèques en Chine ont tourné au tragique fait divers début décembre. En cause, une tradition, dite des « épouses fantômes », interdite en 1949 par Mao mais toujours pratiquées. Il faut dire que, comme l’héroine de cette histoire, les traditions ont la vie dure.
L’amour à mort
C’est une histoire qui commence bien mal : par un décès. Plus précisément, dans cette province chinoise, le trépas d’un homme encore jeune, et célibataire. Comme toutes les mamans du monde, la mère conçoit une grande frustration : voilà que son fils chéri n’a pas trouvé le moyen, dans cette vie, de lui donner des petits-enfants, au diable l’avarice, il lui en donnera dans l’autre.
Voilà donc la famille qui décide d’arranger un mariage fantôme. Sur un principe tout simple, à savoir inhumer dans un cercueil double le célibataire et un corps d’un autre défunt de sexe opposé, âge en rapport, afin que les deux tourtereaux soient réunis dans l’autre vie pour l’éternité.
Il faut dire que l’étroitesse de la couche, la pénombre, le manque de distractions et l’éternité devant eux, tout est propice à un rapprochement entre les futurs tourtereaux. D’autant plus qu’au vu de lé fréquentation habituelle dans son cercueil, le choix est restreint.
La fiancée rétive
Voilà donc la famille qui, après avoir fait passer le mot, reçoit plusieurs offres. Parmi celles-ci, une jeune femme très bien, âge en rapport, célibataire sans enfants, et jolie selon les canons locaux, ce qui ne gâte rien. La famille accepte bien volontiers, et la marâtre avec autant d’empressement que, sa bru putative étant décédée, elle ne risquait pas de la contrarier. L’agent matrimonial macabre se voit donc gratifier de l’équivalent de 3500 euros, le prix pour un cadavre de jeune fille bonne à marier.
La jeune défunte, convenablement vêtue, est donc installée dans le cercueil, près de son fiancé, très raide, et le couvercle de la double boîte est fermé, puis cloué. La famille se recueille auprès de son défunt fils et de sa défunte et récente belle-fille, puis, tout ce petit monde s’achemine vers le cimetière.
Las ! Bien que censément décédée, la belle-fille ne renonce pas à l’idée de contrarier sa belle-mère, puisqu’un barouf épouvantable s’élève du cercueil. Une lune de miel très agitée ? Une scène de ménage ? Point du tout. Il s’avérera, après ouverture du cercueil, que la nouvelle du trépas de la jeune femme a été un tantinet exagérée.
Prévenue, la police chinoise a mené une enquête révélant que la supposée fiancée fantôme défunte était en réalité une jeune attardée mentale enlevée par des voyous, vendue à une réseau mafieux qui l’a prostituée, avant de lui injecter une dose massive de drogue et de la vendre pour morte à la famille.
Les fiancées fantômes
Quoique Mao en ait interdit la pratique en 1949, la tradition pluriséculaire des fiancées fantômes persiste encore aujourd’hui en Chine. Et les faits divers relatifs à ces histoire sordides sont fréquents.
En mai 2011, Wang Hairong, avec deux complices, avait persuadé une jeune femme de monter dans leur voiture avant de l’étrangler, a indiqué le Legal Daily (Fazhi Ribao), précisant que la victime était alors enceinte. Ils ont ensuite vendu le corps dans une ville voisine pour 22.000 yuans (2.700 euros) à cette famille. Wang Hairong a été condamné à mort et exécuté en 2013.
En mars 2013, les médias chinois avait rapporté que quatre personnes avaient été emprisonnées pour avoir déterré des cadavres en vue de les revendre comme « épouses fantômes ».
Les corps sont généralement fournis par des intermédiaires et le prix des dépouilles fraîches a grimpé d’au moins 25 % au cours des cinq dernières années. Il atteint aujourd’hui 50 000 yuans. L’année dernière, un journal chinois a accusé de riches patrons de mines de charbon d’avoir fait monter le prix des défuntes épouses jusqu’à 130 000 yuans. En 2010, un réseau de pilleurs de tombes avait déjà été démantelé dans la province du Hebei. Ses membres avaient profané des dizaines de sépultures dans la région et engrangé des centaines de milliers de yuans de profit.
Allez, la petite page de culture générale : en chinois, mariage fantôme se dit « Minghun ».
Et pour finir cette histoire, sachez que la jeune femme supposée morte va bien,. Soignée à l’hôpital, elle a ensuite été placée dans un établissement spécialisé. Le défunt, quand à lui, restera vieux garçon pour l’éternité.
Guillaume Bailly