L’implantation de crématoriums n’est pas une mince affaire : l’équipement, souvent désiré, est pris au moment du choix de son implantation dans une tenaille entre contraintes techniques et volontés de la population. Comme le constate le maire de Digne.
Je t’aime, mais de loin
Les implantations de crématoriums donnent régulièrement lieu à des petites batailles entre les élus et les habitants lorsqu’il est question de les implanter.
Pas parce que la population n’en veut pas, bien au contraire : ce sont souvent des équipements désirés et réclamés. Les problèmes n’arrivent pas lorsqu’on demande aux administrés si ils veulent un crématorium sur leur commune, mais lorsqu’on leur dit où il sera placé. Parce que d’accord pour un crématorium chez moi, mais pas où je peux le voir.
Que dit la loi sur les implantations d’équipements de crémation ? Et bien, elle est claire : on demande au le représentant de l’État dans le département où est implanté le crématorium, après avis de la commission départementale de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques. Si il est d’accord, on donne à l’architecte (façon de parler, il les connaît déjà) les normes en matière d’émission de polluants et de hauteur de cheminée, et ensuite, on l’installe où on veut, en respectant les normes environnementales.
Parce que, contrairement aux cimetières, il n’y a pas de contraintes sur leur emplacement, en dehors de celles imposées à à peu près tous les bâtiments. Avec le système de filtration adéquat et obligatoire, ce n’est pas un équipement sensible juridiquement.
Il y a néanmoins des contraintes techniques : l’équipement doit être bien desservi par la route, après tout, il va concerner les familles de sa ville d’implantation, mais aussi celles des communes alentours, et elles doivent pouvoir facilement s’y rendre. Et surtout, il doit être facilement alimenté en gaz. Rien de tout ceci n’est obligatoire de par la loi, mais… Disons qu’un crématorium implanté au milieu de nulle part sera difficilement amortissable.
Puis il faut trouver le foncier. On ne va pas développer, mais disons que trouver un terrain libre, ce n’est pas facile.
Et il y a donc la population, qui n’en veut pas en face de chez elle. Et c’est compréhensible, qui voudrait habiter face à la mort ?
Notez, les riverains des cimetières ne se plaignent pas : les voisins sont généralement calmes. Et beaucoup d’entre nous connaissent quelqu’un qui vivait en face du cimetière, et qui maintenant habite en face de chez lui.
Mais quels inconvénients à habiter en face d’un crématorium ? La circulation, certes, mais elle est maîtrisée : à part des convois de véhicules de familles et de proches à certaines heures, et un corbillard de temps en temps, ce n’est pas un flux ininterrompu. Un crématorium, ce n’est pas Ikea ou Leclerc.
Et c’est à peu près le seul inconvénient. En revanche, vivre près d’un crématorium, c’est vivre près d’un endroit généralement vert, toujours impeccablement entretenu, bien desservi par la route, mais aussi par l’électricité, le gaz, et d’autres commodités comme l’internet haut débit, par exemple, de plus en plus répandu. Quand on a tiré un nœud de fibre optique jusqu’au crématorium pour la diffusion des cérémonies en direct, aller jusqu’à chez vous n’est qu’une formalité.
Et surtout, généralement, la mairie s’assure que les riverains des crématoriums sont bien desservis, pour éviter les plaintes et la chute trop brutale du foncier.
Franchement, si vous habitez en face d’un terrain libre, remerciez le ciel tous les jours que votre mairie décide d’y implanter un crématorium : à part un peu de passage aux heures ouvrables, vous aurez une maison très en dessous du prix du marché, avec accès à tous les équipements modernes, et, si vous vous débrouillez bien, peut être même une taxe foncière réduite.
Ou, sinon, vous pouvez aller vous installer en face d’une cimenterie, et on en reparle.
Guillaume Bailly