Savez vous quel est le plus grand suicide collectif de l’histoire ? Savez-vous qu’i se poursuit encore aujourd’hui dans l’indifférence ? Et, encore plus étrange, savez-vous que les participants, au delà de leur mort, vont tous très bien ?
La dose et le poison
Le 30 janvier 2010, à 10 H 23, eut lieu le plus grand suicide collectif public au monde, à Leicester, Royaume-Uni.
Un peu avant l’heure prévue, les participants, environ 300, se sont regroupés, dans un climat de gaîté et de convivialité assez surprenant eût égard au contexte. Ils avaient fait les choses dans le strict respect des règles. Les autorités et la presse avaient été prévenues.
Le regroupement était surveillé par quelques policiers perplexes. Et on les comprend. Dès l’école de police, on apprend aux agents que, si ils voient quelqu’un en train d’essayer de se donner la mort, leur devoir est de les en empêcher. Mais là, non. Au contraire, ils avaient été gentiment priés de laisser faire.
Les journalistes, eux, avaient été informés des subtilités de toute l’affaire. Certains semblaient amusés, d’autres ne pouvaient masquer un air d’inquiétude.
Enfin, il fut 10 H 23. A un signal convenu, tous les participants ouvrirent un flacon qu’ils avaient chacun reçu, et qui contenait très exactement 84 pilules d’arsenic. Tous levèrent la main pour porter un toast, puis, d’un même mouvement, avalèrent le contenu du flacon.
Et ensuite ? Il ne se passa rien. Puis, enfin, après une relativement longue attente, il continua de ne rien se passer.
Évidemment, et vous m’en excuserez, il y a peut-être un ou deux détails dans cette histoire qui ont été omis. Par exemple, où ces joyeux dépressifs aveint-ils choisi de finir leur vie ? Et bien, ils avaient opté pour une petite place située juste en face d’une pharmacie spécialisée dans l’homéopathie. Ce qui devrait vous mettre sérieusement la puce à l’oreille.
Les pilules qu’ils avaient ingurgité avaient été soigneusement fabriquées en fonction des préceptes homéopathiques, suivant scrupuleusement la recette. La quantité qu’ils en avaient avalé, 84, quand à lui, correspondait au surdosage selon les médecins homéopathes.
La campagne, intitulée 10-23, avait été lancée par un mouvement de sceptiques anglais qui souhaitaient ainsi dénoncer l’usage de l’homéopathie dans le système de soins britanniques et le fait que les parapharmacies vendent, aux côtés de vrais médicaments, des remèdes qui n’ont pas fait la preuve scientifique de leur efficacité.
Ces sceptiques britanniques s’étaient inspirés du « suicide collectif » à l’homéopathie de 30 Belges à l’université de Gand en 2004.
Évidemment, après avoir ingurgité ce poison, tout le monde continua de bien se porter et aucun effet d’aucune sorte ne fut constaté sur les participants. L’évènement fut reproduit, toujours à 10 H 23, l’année suivante, dans 70 pays. Il continue encore d’être décliné, régulièrement à travers le monde, avec parfois des variantes. Comme ces 70 chiliens qui avalèrent un médicament homéopathique censé maintenir éveillé, et qui passèrent ensuite une bonne nuit de sommeil.
L’heure même n’avait pas été choisie au hasard. 10 H 23 correspond à 10 puissance 23, appelé Nombre d’Avogadro, qui est le nombre d’entités élémentaires, atomes, ions, molécules, qui se trouvent dans une mole de matière. Pour savoir ce qu’est une mole, inversez la phrase précédente.
Des chercheurs se sont amusés à calculer que le médicament homéopathique le plus vendu en France, contre les états grippaux, constitué de cœur et de foie de canards préparé homéopathiquement, c’est à dire dilué 200 fois au centième, contient huit fois moins d’atomes de principes actifs que l’univers. Dit autrement, pour avoir un atome du principe actif quelque part dans l’univers après dilution , il faudrait multiplier la taille de l’univers par huit (L’univers observable, c’est à dire 46 milliard d’années lumières, dans toutes les directions. La lumière parcours environ 300 000 kilomètres par seconde. Je vous laisse faire le calcul, et n’oubliez pas de multiplier le résultat par huit. Et on cherche un atome là-dedans).
Vous imaginez donc que ce serait un sacré coup de pot que cet atome se trouve précisément dans la pilule que vous venez d’avaler.
Guillaume Bailly