tombeau de l’univers

Le plus grand tombeau de l’univers

Et si cette période de confinement et de saturation extrême était l’occasion, comme disent les britanniques, de penser « out of the box » ? De se lancer dans des réflexions qui, sans quitter le domaine funéraire, changent un peu les idées, en fin de semaine ? Et, pour commencer, une question : savez-vous quel est le plus grand tombeau de l’univers ?

Au delà de l’horizon

Avant de répondre à la question de ce qui pourrait être le plus grand tombeau de l’univers, il faut répondre à la question : qu’est-ce qu’on met dedans ? Si je vous répond « une étoile », vous aurez deviné, sans doute, de quoi on va parler.

Depuis la première photographie de l’Event Horizon Telescope, l’an dernier, les trous noirs sont à la mode. Et c’est assez amusant, parce que tout le monde en a parlé, sans comprendre exactement ce que c’est. Effectivement, un trou noir, c’est une étoile morte, mais pas tous, de la même façon que toutes les étoiles mortes ne deviennent pas des trous noirs.

Notre soleil, par exemple, ne deviendra jamais un trou noir. Il est trop petit et trop léger.

Une étoile est un équilibre, entre sa propre gravité, qui attire sa matière vers son centre, et les réactions nucléaires qui s’y produisent, qui repoussent la matière vers l’extérieur. Lorsque la matière s’épuise, l’étoile commence à produire des atomes de plus en plus lourds, qui vont, petit à petit, atténuer l’effet de ces réactions nucléaires en même temps que la gravité de son centre va augmenter. Lorsque le centre atteint une masse critique, l’effet nucléaire est vaincu, et l’étoile s’effondre sur elle-même. Elle meurt. Si elle est suffisamment lourde, elle devient un trou noir.

Pour vous donner un peu le vertige, la mort d’une étoile, c’est plusieurs centaines de milliers d’années. La formation d’un trou noir, ce sont quelques secondes, si l’on en  croit les modèles, à partir du moment où le noyau atteint la masse limite (dite limite d’Oppenheimer-Volkoff).

Pour savoir combien de temps met le trou noir à se former à partir du moment où son noyau a atteint la masse critique, il suffit de diviser le rayon de l’étoile par la vitesse de la lumière.

On se rend alors compte que les étoiles supermassives mettent infiniment plus de temps à mourir qu’à construire leur tombeau.

Facilement incompréhensible

Il y a beaucoup de choses que l’on croit savoir sur les trous noirs. Et la plupart sont fausses.

Première chose, contrairement à ce que l’on pense, un trou noir, c’est tout petit. C’est même minuscule. Du moins, on le suppose. Parce qu’en réalité, au-delà de l’horizon des évènements, on ne sait pas grand-chose.

Prenons les choses, justement, dans l’ordre : un trou noir se compose de trois parties : la singularité, l’horizon des évènements, et le disque d’accrétion.

La singularité, c’est le trou noir proprement dit. C’est un point de densité infinie. Plus précisément, on ne sait pas si c’est aussi gros qu’un ballon de football, ou plus petit qu’un atome. Précisons que nous parlons là de quelque chose qui fait minimum trente fois le poids de notre soleil. Minimum. Et plusieurs milliards de fois son poids, pour les plus gros (Ton618, le plus grand trou noir connu, pèse l’équivalent de 66 milliards de soleils). Et de ça, on ne sait rien, ou presque, surtout quel est l’état de la matière à l’intérieur de la singularité. C’est pour ça qu’on appelle ça une singularité.

L’horizon des évènements, c’est la grosse boule noire qui entoure le trou noir. Pour faire simple, c’est une sorte de barrière : c’est l’endroit où la gravité du trou noir devient si forte que même la lumière ne peut plus s’en échapper. Ce n’est pas une surface « en dure » ou quoi que ce soit d’autre, mais la manifestation physique de la théorie de la relativité d’Einstein. Nous ne parlerons pas de cela, sinon l’article sera beaucoup trop long.

Mais la zone juste avant l’horizon des évènements est fascinante. On sait, comme nous l’a appris Einstein, que l’espace et le temps ne sont pas fixes, et que la masse d’un objet les tord. Et bien, les trous noirs sont tellement lourds que, si vous approchiez de l’horizon des évènements de l’un d’entre eux, vous pourriez voir l’univers autour continuer jusqu’à sa mort, alors que pour vous, seules quelques heures seraient passées. Ceci, en admettant que vous ayez réussi à vous approcher assez près.

Mais ne franchissez jamais l’horizon des évènements, parce qu’il n’y a pas de retour possible. Une théorie dit même qu’une seule direction y existe : vers le centre. Cela ne veut pas dire que vous êtes attiré vers le centre, sans pouvoir aller à gauche, à droite, en haut, en bas, non, ça veut dire que la gauche, la droite, le haut, le bas, n’existent tout simplement plus.

Enfin, le disque d’accrétion, c’est tout ce qui orbite autour du trou noir. Parce que, non, le trou noir n’est pas un aspirateur cosmique, c’est un astre, certes particulier, mais un astre. Si on remplaçait le soleil par un trou noir de même masse, la Terre continuerait de tourner autour sur la même orbite. Rassurant, jusqu’à ce que je vous dise qu’on mourrait tous de froid. Généralement, le disque d’accrétion est un disque de gaz en rotation rapide, chauffé à des millions de degrés, et c’est ce qui permet de voir le trou noir, ou, du moins, sa silhouette.

La mort et les trous noirs

L’article est long, et pourtant, nous avons à peine effleuré le sujet. Il n’y a pas, dans l’univers, d’objet plus funeste. Les trous noirs sont des tombes, on l’a vu : la tombe d’une étoile morte, et, dans certains cas, la tombe de systèmes solaires entiers qui ne sont jamais nés, lorsque les nuages de gaz dans lesquels étoiles et planètes se forment se sont effondrés sur eux-même avant la formation de ces systèmes.

Comme la mort, il n’y a pas de retour possible, et ce qui se passe après est au-delà de notre savoir et/ou de notre compréhension.

Voilà pourquoi nous pouvons sans conteste dire qu’ils sont les plus grands tombeaux de l’univers.

Guillaume Bailly

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