Il n’y a pas trop de soucis à se faire pour les pompes funèbres : l’avenir du secteur est garanti pour au moins cinq ans, entre arrivée du baby boom et conséquences à long terme du Covid. De quoi se désoler plutôt que de se réjouir. Et soulever un problème qui occupera le premier plan dans les pompes funèbres à long terme.
Baby crash
Longtemps anticipé, annoncé dans les formations funéraires, le baby-boom arrive. Plus précisément, le baby boom repart, puisque la classe d’âge de ces enfants nés après la guerre pour lors de la politique nataliste menée pour repeupler le pays arrive dans la « zone dangereuse », celle où la mortalité est la plus élevée.
Et l’augmentation des décès dans cette classe d’âge se constate dans les statistiques de l’INSEE. Le chiffre est à analyser avec prudence, néanmoins : l’âge du baby boom est certes celui de la zone critique pour l’espérance de vie, mais aussi l’âge où la sensibilité au COVID est la plus forte.
Mais les faits sont là : une fois la crise du COVID terminée, l’augmentation mécanique du nombre de décès liés au baby boom fera que la baisse du nombre de décès ne sera pas forcément aussi prononcée qu’attendue.
D’autant qu’un autre phénomène va s’ajouter à cela : les dommages collatéraux du COVID.
Dommages collatéraux
Les professionnels du médical sont généralement d’accord sur le fait que la crise du COVID, même si le virus venait à être éradiqué d’une façon où d’une autre, aurait des conséquences à long terme sur la santé publique. Pour plusieurs raisons.
La première raison est l’aspect psychologique. L’impact de la crise, du confinement, de toutes les restrictions et, plus généralement, de la baisse en qualité et en quantité des rapports humains érode peu à peu la santé mentale des populations. Dépression larvée, paranoïa, sentiment d’enfermement, les symptômes sont nombreux, mais pour l’instant contrebalancés par l’espoir.
Or, espérer, c’est se bercer d’illusion : la crise a dores et déjà provoqué une rupture sociale et se poursuivra par une autre crise, économique celle-là. En d’autres termes, on ne retrouvera jamais le monde d’avant, et pour tous ceux qui fondent inconsciemment tous leurs espoirs là-dessus, ce constat risque bien d’être la mèche qui allumera toutes les frustrations et angoisses accumulées.
La seconde raison est le retard de soins. L’INSEE signalait, ces derniers jours, qu’aux victimes du COVID, il fallait ajouter toutes celles victimes d’infarctus non traités. Et c’est l’exemple le plus immédiat.
L’équation est simple : pour diverses raisons (saturation des services, difficultés à accéder, ou tout simplement envie de ne pas déranger des médecins occupés), des patients vont reporter une consultation ou un examen, dont certains, mais ils l’ignorent, ont un caractère urgent.
Cela se constate immédiatement dans le cas des infarctus, mais aura des conséquences sur le long terme. Un délais de six mois ou un an pour aller consulter à propos d’une petite douleur gênante, mais pas handicapante, c’est le temps qu’il faut à certains cancers pour passer du stade 1 au stade 3, voire 4. Autrement dit, à une petite tumeur bénigne de métastaser.
La troisième raison est la perte de confiance dans le système médical et le système en général. Littéralement, durant la crise, les gourous se sont goinfrés, tel celui-là, signalé déjà à la Mivilude depuis des années, dont la chaîne You Tube est passée de 20 000 abonnés avant le COVID à 450 000. Quand on sait que cet individu (que je ne cite pas pour ne pas lui faire de publicité) explique tranquillement que, par exemple, les vaccins sont dangereux ou que c’est l’insuline qui provoque le diabète, on imagine les dégâts qu’il peut provoquer.
Sans compter, au-delà, que la perte de confiance s’est aussi reportée sur les vaccins. Ce qui crée un risque réel et sérieux de diminuer la couverture vaccinale, sur le long terme, avec un effet désastreux sur une partie de la population.
Et enfin, la quatrième raison, plus pragmatique, est qu’il n’y a plus d’argent. Le système hospitalier, déjà à mal avant la crise, se verra maintenu de plus en plus sous tension, pour toutes les raisons énumérées, dans le futur, alors qu’il était déjà en difficulté et que la crise économique ne permettra pas de lui donner des moyens.
Pompes Funèbres sous tension
Tout cela fait que le système funéraire français risque, lui aussi, de se retrouver de plus en plus sous tension dans les prochaines années.
Or les salariés qui vont avoir à s’occuper de ces pics de décès dans des situations sociales compliquées et, parfois, dans un climat de tension, pour ne pas dire d’hostilité (le syndrome du croque-morts qui « fait du fric sur le malheur des gens » risque d’augmenter) sont aussi ceux qui, dans leur vie privée, subiront comme les autres les conséquences du COVID.
Et cela va poser une nouvelle problématique pour les entreprises : le bien-être des salariés. Sous peine de se voir confrontées à une vague de défections.
Il y a des moyens de le faire (nous y reviendrons prochainement), mais il n’y a plus le temps d’anticiper.
Guillaume Bailly