Bernard Tapie a eu mille vies. Autant d’amis, autant d’ennemis. Et il s’est fait tout cela tout seul. – AFP
Bernard Tapie est mort. La nouvelle en a surpris quelques-uns, tant l’homme était, dans l’image qu’on se faisait de lui, combatif et à l’aise pour se sortir des pires situations. Il a donc fallu lui rendre hommage, et, pour certains, ça a été compliqué.
Nanard rend fou
Bernard Tapie : homme d’affaires, figure médiatique, politique, dirigeant de club de foot, empêtré dans des scandales, ruiné, condamné à de la prison, libéré, acteur, de nouveau richissime… L’homme a littéralement eu milles vies et le fait que le cancer ait réussi à abattre cette combativité rare étonnerait presque.
Et, comme toute célébrité défunte, surtout lorsqu’il était l’un des leurs, les politiques se sont vus obligés de lui rendre hommage. Ce qui a donné lieu à ce qu’il est convenu d’appeler des moments gênants.
Ainsi, on a pu voir tel ou tel homme responsable ou ancien responsable de la même « famille politique » que Tapie poster un message élogieux sur l’homme, alors qu’il n’a eu de cesse, depuis que l’homme d’affaire avait été nommé Ministre de la ville sous François Mitterrand, de lui mener une guerre implacable. Et, un peu plus tard, relancer la machine judiciaire quand il en eut le pouvoir, alors que l’affaire Crédit Lyonnais semblait réglée.
Le problème, c’est que ça s’est vu, et que l’hommage somme toutes très convenu s’est vu taxer d’hypocrisie.
Là se pose la question : faut-il absolument, pour une personnalité publique, rendre hommage à un défunt ?
Tout le monde s’accordera sr la fait qu’il existe, de façon tacite, un certain délai de respect, où l’on s’abstiendra de tirer à vue sur le défunt et son bilan. Pour respecter la peine des gens qui l’aimaient et qui l’ont perdu, ce qui est juste humain.
Mais rendre hommage à quelqu’un que, notoirement, on a détesté de son vivant sans même se donner la peine de se cacher ? Et bien il ne faudrait pas non plus. Parce que l’hypocrisie serait trop manifeste et que cela aussi, peut blesser sa famille. Et mettre en colère. Les proches pourraient se dire, par exemple « il se sert de notre cher disparu pour faire parler de lui alors qu’il ne cessait de lui cracher dessus quand il était vivant ». Et ce n’est pas bien.
Mais, me direz-vous, le silence est il de meilleur aloi ? On pourrait se dire « tiens, untel n’a pas réagi à la mort d’untel, c’est fort de café, tout de même ». Cette réflexion serait légitime si la personnalité silencieuse était au sein d’une institution, par exemple : dans ce cas, elle parlerait au nom de l’institution, et pas en son nom propre.
En revanche, quelqu’un qui préfère ne pas commenter un décès pour ne pas avoir, soit à être hypocrite, soit à dire du mal du défunt, là, applique la meilleure solution possible, et c’est nous, qui lui reprocherions ce silence, qui serions en tort.
Bref, Bernard Tapie est décédé et François Hollande a loupé une belle occasion de se taire.
Guillaume Bailly