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Idées pour les journalistes à la Toussaint

Bientôt la Toussaint et son vieux marronnier journalistique qui consiste à faire des articles sur la thanatopraxie, pardon, le funéraire. Voilà pourquoi, cette année, nous dispensons quelques conseils. De rien, vraiment.

Automne, Toussaint, cimetières et carte de presse

Je ne sais pas vous, mais lorsque je me lève le matin, le premier orteil sorti de sous la couette me fait me sentir comme un Marseillais qui viendrait prendre un bain de mer en Bretagne : « houlala ! Mais c’est froid, que se passe-t-il ? ». Les feuilles tombent des arbres, les ménages français commencent à se demander où ils ont rangé le service à raclette. En un mot : c’est bientôt la Toussaint.

C’est cette période particulière où la presse, du 25 octobre au 1er novembre, redécouvre l’existence des pompes funèbres. Où, selon les articles, la profession passe pour un ramassis d’escrocs à côté duquel les braqueurs de fourgons blindés passent pour des petits joueurs, où les thanatopracteurs donnent l’impression d’être le métier le plus important du funéraire, bref, ou notre profession sera sous le feu des projecteurs, et parfois même en bien.

Exerçant moi-même l’honorable profession de journaliste, et même si, écrivant dans la presse spécialisée, ça semble ne pas compter, je me permettrai, oubliant un instant toute humilité, de donner quelques conseils, cette année, à mes confrères qui semblent, chaque année, en manque d’idées neuves.

Tout d’abord, arrêtez avec les thanatopracteurs. C’est bien d’en parler, il y a un côté gore discret qui fait frissonner dans les foyers, mais il y a d’autres métiers tout aussi intéressants et, vous allez le voir, bien plus importants.

Pourquoi ne pas donner la parole à un conseiller funéraire, par exemple ? J’écris conseiller parce que le masculin l’emporte par défaut selon mon Bescherelle (édition 1988), mais le conseiller peut être une conseillère. Il y a de l’humain, là, le conseiller est face à la famille, qui vient de subir le deuil, et il a charge autant de les écouter que d’organiser l’hommage. En une heure, environ, il devra coordonner l’ensemble des services afin que la tâche que chacun fait dans son coin devienne une cérémonie, se faire une idée de la famille et du défunt afin que les obsèques correspondent à ce qu’ils souhaitent, et surtout, écouter et compatir. Ensuite, une fois la famille partie, il devra organiser le suivi technique et administratif de tout ça.

Oh, c’est aussi le conseiller funéraire qui propose les soins de conservation. Sans lui, la profession de thanatopracteur n’existerait juste pas.

Il y a Le Maître de Cérémonie, aussi, qui pourrait causer dans le journal. Qui peut être une Maîtresse de Cérémonie, toujours sur le même principe, on est d’accord. Qui aura pour charge d’accompagner la famille tout au long du cérémonial tout en menant l’équipe de convoi. C’est un poste crucial, il fait l’interface entre la famille et les différents intervenants, et peut même faire la cérémonie lui-même, si c’est du civil, ce qui implique d’avoir rencontré les proches du défunt avant pour collecter des informations.

Oh, et les gens se rappellerons plus d’un convoi réussi que d’un soin de conservation bien fait.

Ou pourquoi ne pas interroger un porteur-chauffeur ? Oui, ce sont les gars qui portent le cercueil durant les obsèques. Ils portent aussi les fleurs, ils conduisent le corbillard, ils guident les gens. Mais pas seulement. En dehors des enterrements, souvent, ils vont chercher le défunt sur le lieu de décès, de jour comme de nuit. Et parfois, c’est pas simple, parce que tous les décès ne se produisent pas paisiblement dans un lit. N’importe quel porteur-chauffeur a mille et unes histoires à raconter.

Beaucoup plus que les thanatopracteurs, qui ont tendance à un peu faire toujours la même chose, quand même.

Et j’oublie les marbriers, graveurs, responsables d’agences, et toute la chaîne logistique derrière, parce que tout ce matériel qu’on utilise ne sort pas de nulle part. Vous voulez une interview décalée ? Allez interroger un forestier qui fait pousser des arbres destinés à fabriquer des cercueils dans une filière de développement durable. Ça n’a jamais été fait, je vous le certifie.

En somme, mesdames et messieurs les journalistes, quitte à parler du funéraire, pourquoi ne pas réellement rendre hommage à la profession dans tout ce qu’elle a de varié dans ses compétences, de vaste dans ses circonstances d’intervention, et d’important pour celles et ceux qui ont perdu un proche et qui cherchent à donner du sens à ce drame, ce qui s’appelle « faire son deuil ».

Guillaume Bailly

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