Fleures Bruyeres

Ou est la Toussaint quand on a besoin d’elle ?

C’est bientôt la Toussaint, et, le moins qu’on puisse dire, c’est que cette année, l’évènement risque fort de mériter sa réputation de morosité. Cette fête risque-t-elle de disparaître ?

Clap de fin pour la Toussaint

Aller mettre un bouquet de fleurs ou une plaque sur la tombe familiale ? Oui, mais c’est cher, et cette année, entre le prix de la moutarde et celui du chauffage, ça va être dur. Aller nettoyer la tombe ? A quoi bon, depuis que les produits phytosanitaires sont interdits, les cimetières sont laissés à l’abandon faute de budget. Aller se recueillir ? Ben c’est loin, et on n’a même plus assez d’essence pour se rendre au travail.

Même la presse, j’ai un doute : parler des pompes funèbres cette année ? Oui, mais pas longtemps, parce que Poutine a dit « bombe atomique » hier avant de reprendre une deuxième fois du dessert, il faut décrypter, c’est sûrement important.

Si les économistes prédisent que Noël sera lugubre cette année, qu’en sera-t’il du Noël des morts, la Toussaint ? Autant dire que les perspectives ne sont pas fantastiques. La fête subit une descente inexorable depuis des décennies, avec l’éclatement géographique des familles, et a subi des coups de boutoirs ces dernières années, la crise succédant au Covid.

Ajoutons à cela la disparition progressive de la pratique religieuse, et plus généralement un effacement des traditions. Certes, la coutume est vivace chez nos anciens, mais ces derniers ne sont pas immortels…

Est-ce la fin de la Toussaint ? Pas encore, certes, et elle ne disparaîtra sans doute jamais tout à fait. Mais la plupart d’entre nous, dans les dix ou vingt ans qui viennent, assisteront certainement à son effacement progressif, à sa transformation en pratique de niche qui concernera une infime minorité de la population.

Et pourtant, paradoxalement, jamais on n’en aurait autant eu besoin.

Au delà de la religion chrétienne, la Toussaint est l’occasion de se rendre au cimetière se recueillir sur la tombe des défunts, et de se remémorer son souvenir. Peut-être aussi de se rappeler que, tous ces gens qui gisent dans la terre ont construit ce pays, obtenu les droits dont nous bénéficions, et que sur les monuments aux morts sont gravés les noms de ceux qui ont donné leur vie pour pouvoir nous léguer tout cela.

La Toussaint pourrait être une fête laïque, une occasion de se rappeler que nous avons hérités d’un pays que tous ces défunts ont bâti ensemble. Ou bien nous pouvons déserter les cimetières et vivre une vie de « moi, moi, moi » sans se soucier un instant du bien commun, sans lequel pourtant « moi » ne serait sans doute pas encore là.

Et si la Toussaint jouait un rôle essentiel, rappeler la fugacité de notre passage ici bas, que nous sommes une pièce de quelque chose d’infiniment plus grand que nous, une société, une civilisation, et nous aidait à nous rappeler que nous avons un rôle à y jouer ?

Peut-être est-ce utopique, sans doute est-ce aller trop loin. Mais il n’empêche : l’effacement progressif et inexorable de la Toussaint, rappel de notre propre mortalité et de ce que les morts nous ont laissé, correspond à la montée en puissance d’une société du moi, du jouir, de l’immédiateté, où la mort est taboue. Et sans cette notion d’inéluctable qui nous pousse à vouloir donner du sens à notre vie, difficile d’imaginer vouloir contribuer à construire quelque chose de plus grand que soi pour le futur d’autrui.

Guillaume Bailly

One Reply to “Ou est la Toussaint quand on a besoin d’elle ?”

  1. Les codes changent avec la société, la Toussaint n’est plus ce qu’elle était mais ce n’est pas une fin en soi. Changer l’expérience des cimetières pour en faire des lieux de vie dans lesquels venir se ressourcer à son essentiel :ses racines, c’est ça l’opportunité de ce tournant societal. Toute fin est une opportunité de créer autre chose. La transmission de l’histoire qui a été construite par ceux qui nous ont précédés doit être conservée et faire l’objet d’une valorisation pour rassembler autour des défunts. Il est temps de faire passer les cimetières du noir et blanc à la couleur. C’est l’ambition d’Histoires de vie.
    https://histoires-de-vie.com/

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