Privatisation des crématoriums de Paris

Controverse autour de la privatisation des crématoriums de Paris.

Mi-juin, la Société des Crématoriums de France, filiale du groupe privé FUNECAP, s’est vue attribuer deux chantiers d’envergure : la rénovation du crématorium historique du Père-Lachaise, jusqu’alors unique lieu de crémation de la capitale, ainsi que la construction d’un tout nouveau complexe funéraire porte de la Villette. Ces deux projets l’ont emporté sur ceux proposés par la SAEMPF, la Société anonyme d’économie mixte des pompes funèbres de la Ville de Paris.

Toutefois, le choix est loin de faire l’unanimité. En effet, la sélection de l’entreprise FUNECAP est à l’origine d’une vive polémique opposant les défenseurs du service public et d’une certaine éthique aux partisans de la proposition de FUNECAP, pour qui la priorité dans cette discussion reste la réponse efficace aux besoins en termes de crémation.

Prévu pour 2024, Le parc funéraire de la Villette.

Le parc funéraire de la Villette, prévu pour 2024 et destiné à devenir un espace éco-responsable, s’inscrit dans la vaste entreprise de réaménagement urbain de ce secteur vétuste du XIXe arrondissement. L’entreprise lauréate a donc imaginé, à l’emplacement de l’actuel Square Forceval, un nouveau crématorium partiellement construit en souterrain et surmonté d’une colline plantée d’arbres qui constituera un trait d’union entre Paris et ses communes limitrophes. C’est, semble-t-il, ce qui a fait la différence. « Une transversalité et une transparence parfaite dans son architecture », selon Éric Azière, président du groupe UDI-MoDem à l’Hôtel de Ville.

Pour les opposants, le problème dépasse largement les considérations environnementales et architecturales. Ils contestent la victoire de la privatisation au détriment des services publics avec tout ce que cela implique : risque d’affaiblissement de la SAEMPF pour Nicolas Bonnet-Ouladj, président du groupe PC-Front de gauche et abandon du marché funéraire aux mains de groupes financiers tout-puissants pour Nicolas Pomiès, de l’UFAL (Union des Familles Laïques). Ce dernier dénonce un système d’oligopole engendré par le principe de concurrence libre, loyale et non faussée européenne. Principe qui, selon lui, a déjà prouvé son incapacité à défendre le pouvoir d’achat des consommateurs. En France, le coût élevé des funérailles est souvent une source de soucis pour les familles à faibles revenus qui ont recours à des contrats d’assurance afin de prépayer leurs obsèques. Or, comme il le souligne encore, les groupes tels que FUNECAP peuvent également proposer leurs propres services d’assurances, ce qui finira immanquablement par faire augmenter les prix.

Une redevance estimée à 107 millions d’euros

Rassurants, les défenseurs du projet insistent sur la rigueur du cahier des charges qui prendra effet dès septembre : une garantie de surveillance des tarifs sur les 30 années de fonction déléguée à la FUNECAP ainsi que le maintien d’un service social à prix bas pour les plus défavorisés. En outre, le groupe versera une redevance estimée à 107 millions d’euros sur sa durée de service, un point à ne pas négliger.

Parallèlement aux questions financières, un autre problème impératif reste à régler : celui de la demande croissante d’incinérations de la part des Parisiens, nécessitant une mise en attente des corps dans les funérariums qui peut atteindre 10 jours. Pour Éric Azière, il est difficile pour l’État et les collectivités de se substituer à des professionnels dans bien des domaines. Or justement, FUNECAP a toutes les compétences requises pour résoudre la situation tendue des cimetières parisiens.

Pour autant, la SAEMPF tient encore une bonne place dans le classement des pompes funèbres parisiennes avec 1/5 des parts de marché. Mais c’est justement cette notion même de marché que conteste Nicolas Pomiès qui déplore le caractère anti-laïque et déplacé de la nécessité de prendre en compte les questions économiques quand il s’agit de dire adieu aux siens.

F.a.

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