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Suicide assisté et euthanasie : ne pas confondre

L’arlésienne du débat public revient régulièrement sur le devant de la scène : le débat sur l’euthanasie, parfois appelé débat sur le suicide assisté. Et l’un des problèmes est là : ce n’est pas du tout la même chose.

Les maux et les mots

Le 7 mai 2022, les yeux de Shanti De Corte, une jeune belge 23 ans, se ferment pour toujours. Et aussitôt, l’opinion publique s’enflamme : n’était-ce pas là un débordement de la loi légalisant l’euthanasie ?

Le 22 mai 2016, à l’aéroport de Bruxelles, un terroriste déclenche sa bombe dans le hall, faisant 30 morts et 300 blessés. Dans la foule, non loin, se trouve Shanti De Corte. Physiquement, elle s’en sort indemne, mais psychologiquement, c’est autre chose. Elle passera les années suivantes entre traitements médicamenteux et hospitalisation pour une dépression post-traumatique qui ne s’en ira jamais.

Et ce sont deux psychiatres qui ont autorisé son euthanasie, pour « souffrances psychologiques insupportables ». Ce qui soulève une question dans l’opinion que l’on peu résumer ainsi : était-ce une euthanasie ou un suicide assisté ?

Et il convient de définir ces termes, parce qu’ils sont importants.

L’euthanasie, du grec « eu » qui signifie bonne et « thanatos » qui signifie mort, est l’action de donner une mort douce, naturelle ou provoquée. Dans l’acception légale, c’est le droit donné au patient de demander à ce qu’on abrège ses souffrances en provoquant son décès ou en ne faisant rien pour l’empêcher, lorsque son cas est irrémédiable et ses souffrances importantes.

Et c’est très bien, il serait temps que la valse-hésitation politique s’arrête à ce sujet et qu’une décision soit prise.

Le suicide assisté, toujours légalement, est l’action de fournir des moyens et un cadre à une personne désireuse d’en finir. Un soignant qui pratiquerait un suicide assisté, même dans un pays où l’euthanasie est légale, se rendrait techniquement coupable d’homicide volontaire avec préméditation, techniquement, si le sujet ne répond pas aux critères et aux procédures ouvrant le droit à l’euthanasie.

Ces procédures d’euthanasie sont généralement assez simples : en Belgique, par exemple, il faut avoir deux avis médicaux positifs. Pour un patient en phase terminale d’une maladie qu’il n’est pas possible de guérir, il y a peu de place à l’interprétation.

Mais un doit doit être établi : il est tout à fait possible d’être favorable à l’euthanasie et opposé au suicide assisté.

Ne pas tout mélanger

Les partisans du suicide assisté ont un argument fort : la légalisation doit permettre à ceux chez qui le désir de mort est fort de pouvoir parler à des aidants et éventuellement passer à l’acte sans conséquences déplorables. On parle ici de personnes qui se ratent et ont des séquelles qui compliquent encore plus leur existence ensuite.

Oui, mais. Pourvoir en parler librement, c’est déjà le cas. A des médecins, par exemple, spécialistes ou non. C’est compliqué ? Oui, parce que la psychiatrie, en France, est dans un état déplorable, faute de moyens.

Parmi les candidats au suicide, combien sont atteints de pathologies qui pourraient être soignées si le milieu médical avait les moyens et le temps de leur prodiguer les soins nécessaires ?  Combien ne veulent pas réellement mourir, mais juste abréger une série interminables de problèmes qui pourraient être résolus si la société, via ses dirigeants, prenaient des décisions adéquates ?

On cite souvent, aux actualités, le nombre très élevé de suicides d’agriculteurs, par exemple. Aujourd’hui, c’est un sujet pris au sérieux et préoccupant. Demain, si le suicide assisté devient légal et rentre dans les mœurs, combien de temps avant que le public ne considère ce chiffre avec indifférence ? Se suicider ne serait plus un acte de désespoir face à une situation dramatique, mais juste l’exercice d’un droit comme un autre. Pas de quoi en faire un sujet au 20 H.

Légaliser le suicide assisté aurait un risque : rendre encore plus fainéante une classe politique qui ne semble pas avoir à cœur de trouver de vraies solutions aux vrais problèmes des gens. Et présenterai un risque corollaire, celui d’une forme d’eugénisme passif : vous êtes handicapés ? Vous êtes seul ? Vous complexez parce que vous êtes gros mais ne souhaitez pas vous priver de raclette et de chocolat ? Et bien, suicidez-vous, ce sera plus simple.

La mort est inéluctable, c’est une chose certaine. Mais doit être devenir banale parce que trouver des solutions pour mieux vivre est difficile ? Le débat est ouvert.

Guillaume Bailly

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