Cible

Armés pour y voir plus clair

En l’espace de trois jours, deux tueries en Californie ont fait dix sept morts. Bien entendu, le coupable est tout désigné : ce sont les armes, dont les américains raffolent, sans envisager une autre piste. Et c’est sans doute ça, le problème.

Présentez, armes !

Onze et six morts, dans deux fusillades, l’espace de trois jours : la Californie a été durement touchée par des drames en cette fin janvier. Et, bien entendu, la presse et les politiques s’en donnent à coeur-joie : le problème, ce sont les armes, bien entendu. Plus précisément, le fait que des déséquilibrés puissent y avoir accès si facilement.

Pourtant, certains chiffres pourraient remettre cette assertion en question, si on les examinait sous un autre angle. Après avoir précisé que le propos de cet article n’est pas « youpie, allez vous acheter un flingue ». Son auteur, votre humble serviteur, n’en possède d’ailleurs pas lui-même.

Regardez le classement des pays les plus armés au monde. Pas celui des armements militaires, mais bel et bien du nombre d’armes qui sont en possession de civils. Évidemment, les États-Unis sont premiers. Le second pays est le Yemen, mais la situation politique là-bas est compliquée.

Et le troisième pays dont les habitants sont les plus armés au monde est la Suisse. Oui : sous leur air paisible de banquiers montagnards neutres, les helvètes sont armés jusqu’aux dents. Un Suisse sur deux est armé, officiellement, et comme les armes léguées par héritage ne sont pas comptabilisées, sans doute beaucoup plus.

Et du matériel sérieux. Parce que la Suisse a une particularité, c’est que les citoyens qui font leur service militaire ramènent ensuite leur arme chez eux. Ça ne parlera pas aux plus jeunes, mais, pour les plus anciens, imaginez-vous, au sortir de votre caserne, rentrer chez vous avez votre valise dans une main et votre Fa-Mas dans l’autre.

Les tueries en Suisse, ça existe, mais principalement du type « massacre familial », dont 68 % sont commises avec des armes à feu. On est sur les même proportions qu’en France, avec des affaires de type « Xavier Dupont de Ligonès », le mystère en moins. Des crimes perpétrés avec des armes à feu quand il y en a, ou avec des poisons, armes blanches, ou tout autre moyen à disposition du meurtrier.

La plus grande tuerie de masse ces dernières années est le massacre de Zoug, en 2001, où un forcené a abattu 14 élus dans le parlement zougois, mais l’enquête a conclu que, si le fait que l’individu ait pu détenir autant d’armes (deux fusils dont un de chasse, deux pistolets automatiques) était un problème, effectivement, la plus grosse question était : comment avait-il pu, armé jusqu’aux dents, entrer dans le parlement et aller jusqu’à la salle des débats ?

Mais il n’y a pas que la Suisse. La Finlande est le quatrième pays le plus armé au monde, Chypre le sixième, l’Arabie Saoudite le neuvième, et pourtant, le pays où il y a le plus de tueries, ce sont les Etats-Unis, quasi systématiquement.

Une fainéantise désarmante

Alors, quel est le problème avec le fait d’accuser les armes ? La réponse s’explique par un bon exemple, la France : à chaque attentat perpétré, la législation sur la détention d’armes se durcit. Et pourtant, les armes utilisées pour les massacres de Charlie Hebdo ou du Bataclan sont toutes illégales de base et achetées au marché noir.

Ceci évite de se poser les bonnes questions : comment ces armes arrivent-elles sur notre sol ? Comment empêcher des idéologies extrémistes de prospérer ? Les experts du renseignement avancent un chiffre qui donne le vertige : une arme sur deux livrée à l’Ukraine reviendra ensuite sur ce marché noir, comme cela s’est passé dans toutes les guerres où nous en avons livré. Et que font les responsables ? Rien.

Il est infiniment plus facile d’aller chercher des poux dans la tête d’un amateur de tir sportif respectueux de la loi que de soigner une société malade. Les politiques aimeraient faire croire que le problème, est que des armes circulent. Et si c’était plutôt leur incompétence à résoudre les problèmes de ceux qui s’en servent ?

Guillaume Bailly

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