Continuons notre série d’été avec une chanson emblématique de Jacques Brel, « j’arrive », qui symbolise la fin d’une période pour le chanteur et s’avérera curieusement prémonitoire.
De chrysanthème en chrysanthème
En 1968 sort « J’arrive », dixième album de Jacques Brel, dans un contexte particulier. Le Grand Jacques a, en effet, fait une tournée d’adieu à la scène, et souhaite à présent se consacrer au cinéma. Cet album est donc, dans son esprit, le dernier. Il en enregistrera, en réalité, un ultime, « Les marquises », testament musical enregistré alors que le cancer ne lui laisse plus longtemps à vivre.
D’ailleurs, l’album, officiellement, n’a pas de titre. « J’arrive » en est la première chanson, qui fera l’album eponyme par l’usage.
Le thème est simple : la mort. Jamais citée, mais toujours présente en filigrane. Le texte est tout en symbole et sous-entendus : Brel s’y promène de chrysanthèmes en chrysanthèmes, fleur d’obsèques par excellence, entendez d’enterrement en enterrement. Obsèques d’amis, de proches, l’auteur n’y va pas par quatre chemins : « J’arrive ! », c’est lui qui cire aux défunts que son tour arrive.
Le texte est obsédé par les dernières fois : dernier amour, dernière promenade sur le port, et des question. Celles-ci renvoient directement à la personnalité de Jacques Brel, qui a, tout au long de sa carrière, beaucoup parlé de la mort dans ses chansons. Notamment ce passage où il se demande si il a n’a déjà fait autre chose qu’arriver, façon très élégante de dire que sa vie n’a été qu’un long chemin vers la mort.
Et cette phrase, succulente, adressé à un ami parti, donc mort :
« C’est même pas toi qui est en avance
C’est déjà moi qui suis en retard »
« J’arrive » est un album assez varié, où on trouver des chansons assez sinistres, comme « l’eclusier », et plus légères, comme « Vesoul » ou la succulente et méconnue « Comment Tuer L’Amant De Sa Femme Quand On A Comme Moi Eté Elevé Dans La Tradition » (si ça, ce n’est pas un titre).
Brel poursuivra ensuite sa carrière au cinéma, avant d’y mettre un terme en 1973, après l’échec du film « Le far west ». Il part s’installer aux îles Marquises, part de là faire un tour du monde, interrompu par une douleur à la poitrine : le médecin qui l’examine lui diagnostique un cancer du poumon.
Epuisé par la maladie, Jacques Brel revient une dernière fois à Paris en 1977, pur enregistrer son dernier album, « Les Marquises », avant de retourner sur son île, puis de revenir à Paris après une aggravation de son cancer. Ses amis défunts le voient arriver le 9 octobre 1978.
Guillaume Bailly