Pétition pour la gratuité des obsèques, l’idée la plus stupide de l’année

Pétition pour la gratuité des obsèques, l’idée la plus stupide de l’année

Une pétition circule actuellement sur un site, exigeant la gratuité des frais d’obsèques. En dehors du fait que le texte et les commentaires l’accompagnant sont manifestement écrits par des personnes ne connaissant pas la réalité de la profession, l’idée n’est pas viable.

Si c’est gratuit, c’est trop cher

Si vous ne l’avez pas vue passer, une pétition circule actuellement sur un site spécialisé dans les pétitions, pour demander au Président de la République la gratuité des obsèques, et qu’elles soient effectuées par des fonctionnaires. Il est en effet anormal, selon elle, qu’une corporation fasse des bénéfices alors que la famille est assaillie par la douleur.

Sur le texte en lui-même, il y a déjà beaucoup à dire. Déjà, il n’y aura pas de lien ici, parce qu’il est hors de question de lui faire de la publicité. Ensuite, le texte et les commentaires qui l’accompagnent préfèrent les clichés (sur les « mafias corporatives ») que les arguments rigoureux ou une réelle connaissance du système funéraire.

Ils n’ont manifestement pas connaissance non plus du fait qu’ils peuvent faire le tour des sociétés de pompes funèbres pour comparer les devis, voire même, paraît-il, aller les voir en mairie. Ni qu’ils peuvent obtenir des facilités de paiement, voire tout un panel d’aides. Ça commence à faire beaucoup, et on n’a même pas commencé.

La fonction publique funéraire

Admettons. Admettons un seul instant que la pétition fasse son effet et que Emmanuel Macron, pris d’un coup de folie, décrète que les obsèques doivent désormais être gratuites et réalisées par des fonctionnaires. Ce qui n’arrivera jamais.

Et bien, bravo ! Vous venez de transformer un service funéraire, aux compétences très vastes, en un instrument de dissensions politique.

Les obsèques sont un moment important du travail de deuil. Si vous ne comprenez pas à quel point, penchez-vous sur le cas des familles qui savent qu’un proche est mort mais qui ne peuvent pas récupérer son corps. En Bretagne, par exemple, il y a un bon nombre de tombes de marins morts en mer qui contiennent des cercueils vides.

Et chacun doit pouvoir ritualiser le dernier hommage à sa façon. Selon ses habitudes familiales, selon son mode de vie, selon sa religion ou ses convictions philosophiques. L’organisation, la ritualisation, et surtout le personnalisation de ce travail de deuil est le métier des pompes funèbres.

Les faire prendre en charge par l’État, c’est littéralement jeter tout cela à la poubelle. Pour deux raisons. La première, c’est que, comme disait je ne sais plus qui, je me rappelle juste son métier, Président de la République, « ça coûte un pognon de dingue ». 1 milliard 226 millions, si l’on prend le prix moyen des obsèques que les gens considèrent comme « décentes » et que l’on multiplie ce chiffre par le nombre de décès chaque année en France. Hors covid, canicule, etc…

La seconde raison, c’est qu’un gouvernement qui aurait en son sein des Ministre très idéologues verrait sur le sujet sensible des obsèques un moyen d’imposer sa vision de la société à tous. Les rites funéraires sont la marque d’une civilisation, avoir le pouvoir d’en décider, c’est avoir le pouvoir de changer de civilisation.

Un exemple de gouvernement avec des éléments idéologues ? Tous.

Sans compter les divisions dans la société, entre ceux qui ne veulent pas payer pour les « superstitions » d’untel ou untel, ceux qui se sentiraient offensés par le fait que leurs impôts servent à financer tel culte qu’ils considèrent comme impie…

Le tout en usant d’un levier simple : les obsèques seraient réalisées par la fonction publique, et les fondations de la fonction publique reposent sur l’égalité de traitement entre citoyens.

Et on a à peine effleuré la surface, mais le présent article ne peut pas faire 400 pages.

Naïveté et préjugés

Le monopole des pompes funèbres, au niveau local, a existé. Il a été supprimé par François Mitterrand, qui a mandaté le sénateur Sueur, entre autres, pour le faire. Deux hommes de gauche, pourtant, mais qui ont pris cette décision pour une raison simple : ça ne marchait pas.

Mais, je le disais plus haut, l’État n’acceptera jamais. Pourquoi ? Parce que ça fait vingt ans que les pompes funèbres se battent pour une baisse de la TVA sur leurs services, qui serait INTEGRALEMENT reportée sur la facture, pas juste sur un Coca en terrasse. L’État s’accroche à ses taxes sur la mort comme un rottweiler au bras du petit Kevin dans un jardin d’enfants. Quelles chances aurait une pétition qui lui demanderait, non seulement de renoncer à cette manne, mais de plus de s’imposer une manne supplémentaire sur un sujet assez explosif pour faire perdre toutes les élections à n’importe quel parti ?

Les raisons pour lesquelles cette idée est non seulement naïve, mais effrayante, parce que dictée par des préjugés et une forme de haine, sont nombreuses, nous les avons à peine effleurées ici. Juste, il est dommage de lancer cette pétition, et d’agiter l’opprobre sur une profession dont les conditions de travail sont dure, et c’est un euphémisme, et qui doit, en plus de gérer des situation atroces, souffrir d’une image aussi déplorable.

Ce n’est pas grave. On a l’habitude. Le jour où ce sera votre tour, nous y passerons tous, les croque-morts vous traiteront pourtant avec autant de respect que n’importe qui d’autre. Ils vous en témoigneront, en tout cas, infiniment plus que vous leur en montrez.

Guillaume Bailly