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C’est une habitude : on veut des équipements, on veut du confort, mais on n’en veut pas chez soi. Le funéraire n’échappe pas à la règle. Et, souvent, c’est bien dommage : des avantages d’avoir un crématorium dans son jardin.

La bataille de Fort Trifoullis-les-Oies

Lorsqu’on fait de la veille d’actualité funéraire, il faut être vigilant, savoir faire le tri et aimer l’humour de répétition.

Ainsi, l’histoire est commune : des habitants d’une agglomération quelconque, communauté de communes, d’un territoire géographique précis, se plaignent que les délais d’attente pour une crémation se font de plus en plus long. A tel point que la préfecture délivre une autorisation de dépassement du délai légal à peine informée d’un décès.

Et puis un jour, après des mois, des années de tergiversations, l’annonce est faite : ça y est, un nouveau crématorium va se construire.

Joie, allégresse, liesse populaire, les autochtones savourent cette victoire obtenue de haute lutte. Pus ils demandent, coupe de champagne en main et petit four en bouche, où se situera l’équipement.

« Sur le terrain en face de chez vous, celui qui est en friche depuis des années », annoncera un élu quelque peu naïf.

Une heure plus tard, la liesse sera tellement oubliée qu’elle semblera ne jamais avoir existé, les coupes de champagnes seront répandues sur les routes sous forme de verre pilé pour empêcher les engins de chantier d’approcher, et les petits fours rassis disposés sur la table de jardin de Bébert pour servir de projectiles. Les habitants, retranchés derrières des barricades en vieilles  palettes de carrelage pour salle de bain et en tables de jardin Ikea, exprimeront leur désaccord.

Posez la question, si vous en avez l’occasion, à un constructeur de crématoriums. Ils vous expliquera que, quand une commune lui demande d’étudier la faisabilité d’un projet, il ajoute systématiquement quatre ans de procédure minimum au délais de réalisation et une enveloppe pour les avocats.

Parce qu’il en va de même pour les crématoriums que pour d’autres équipements. On veut en avoir un près de chez soi, mais pas près de chez soi. Comme on veut rouler en voiture électrique, mais il est hors de question d’habiter à moins de 500 kilomètres d’une centrale nucléaire. Et c’est bien dommage.

La cheminée de mes voisins

La première chose que les gens vont objecter, c’est la circulation qui va envahir la route. Mauvaise excuse. D’abord, parce que l’emplacement d’un crématorium est choisi en fonction des voies d’accès, il doit en être proche, et donc, l’axe sur lequel il est construit est vraisemblablement déjà passant. Et les convois funéraires sont certes fréquents, mais à des heures régulières.

Ensuite, il y a de fortes chances que, si le maire est intelligent, la route soit bien entretenue. Quiconque s’est déjà retrouvé avec une facture de changement de suspensions pour habiter à la campagne Avenue des Nids de Poule comprendra.

Mais, très vite, le véritable argument se montrera : la cheminée. Parce que, quel que soit le degré d’intimité que les riverais aient eu avec les défunts, ils n’ont pas envie de les respirer à pleins poumons.

C’est le moment où jamais de leur parler des systèmes de filtration des crématoriums. Du fait que, non, ça ne sent pas le barbecue, à proximité, et non, les filtres ne laissent rien passer. Le poêle à bois de leur salon émet plus de particules toxiques en une bûche qu’un crématorium en un mois. A la première stère, vous avez déjà 50 ans d’avance.

Et, oui, on m’objectera que certains se laissent aller dans l’entretien des filtres. Mais ces cas sont rares, se font allumer sévèrement quand on les prend la main dans le sac, et puis on parle d’un crématorium, et donc d’un filtre, neuf.

Avoir un crématorium en face de chez soi, c’est la certitude d’avoir une route entretenue, une circulation à horaires fixes, un approvisionnement en gaz de ville, une taxe foncière réduite et un parc paysager en lieu et place d’un terrain vague.

Honnêtement, je vous envie, je donnerai n’importe quoi pour qu’ils construisent un crématorium près de chez moi. Mais non, la sentence est tombée, ce sera un lycée. D’ailleurs, j’y retourne, les toasts doivent être suffisamment rassis et j’ai un stock de vieux verres à Champagne à piler.

Guillaume Bailly

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