cercueils tour de France

Chez PFG, il n’y a pas que le rire qui est jaune

À Valenciennes, on ne plaisante pas avec le Tour de France. Enfin… si, un peu.
Quand la Grande Boucle passe en ville, certains agitent des drapeaux, d’autres décorent les vitrines. Mais l’agence des Pompes Funèbres Générales (PFG) a décidé de pédaler franchement hors des sentiers battus, en exposant trois cercueils aux couleurs mythiques des maillots cyclistes.

La course qu’on préfère perdre

Sur la place d’Armes, à en vitrine de l’agence PFG, on peut admirer un modèle jaune pour le leader incontesté, un vert pour les sprinteurs du grand départ vers l’au-delà, et un blanc à pois rouges pour les grimpeurs de columbarium chevronnés. Des modèles de ? De cercueils, en véritable bois d’arbre, parfaitement réglementaires.

Grégory Bachelet, directeur de secteur opérationnel chez PFG, assume pleinement chez France 3 Régions cette vitrine qui fait causer jusqu’aux terrasses de café :

« En France, on associe la mort à la tristesse, la douleur et la paperasse. Nous, on voulait apporter un brin d’audace et rappeler que c’est avant tout un parcours, celui de la vie. »

Le point de vue est original. A de rares exceptions près, la ligne d’arrivée de la vie n’est pas de celles qu’on veut franchir, et la vision du corbillard en voiture-balais… Est un concept intéressant, il faut le reconnaître, mais dont l’humour parlera peut être plus aux fans de Pierre Desproges ou de Cami que du Jamel Comedy Club.

Si certains badauds trouvent l’idée rafraîchissante  (« On dirait un Tour de France miniature, mais sans les bidons ni les caravanes publicitaires », citation d’un passant toujours sur France 3), d’autres ont émis des réserves plus ou moins prononcées.

Pour éviter que la polémique ne fasse trop de bruit, l’agence a pris soin d’installer un petit écriteau expliquant la démarche. Euh… Merci ?

Le directeur des PFG explique que ces cercueils personnalisés ne coûtent pas un euro de plus. Une bonne nouvelle pour tous les fans de vélo. Ce n’est pas unique : déjà, depuis quelques années, on propose des cercueils aux couleurs d’équipes de foot, pour les acharnés du ballon-pied. Et pourquoi pas ? Le problème n’est pas là.

Chute dans le peloton

Le premier problème vient du caractère un peu sacré qui est conféré au cercueil. Très rares, voire inexistantes, sont les pompes funèbres qui en exposent en vitrine, pour des raisons que l’on détaillera juste en dessous. En réception de famille, le choix du cercueil est toujours un moment particulier, un peu solennel, où les proches du défunt se voient, au pire présenter un catalogue, au mieux accompagner jusqu’à une « salle des cercueils ». La modernité propose même aujourd’hui une personnalisation sur tablette en trois dimensions.

Et même les cercueils personnalisés aux couleurs d’un club de foot : le choix de l’objet n’a rien à voir avec la solennité de l’instant. Et il est permis de se demander si les exposer en vitrine n’est pas un peu… Trivial.

Le second problème, comment dire ? Parenthèse personnelle : j’ai travaillé longtemps en pompes funèbres, je continue à travers le métier de journaliste spécialisé à défendre et soutenir la profession, j’ai écrit plusieurs livres sur le sujet, et pourtant, je n’ai pas envie de croiser un cercueil quand je vais acheter du pain ou promener mon chien. Le fort d’une agence de pompes funèbres est sa sobriété : une devanture de pompes funèbres réussie montre qu’elle est là quand on en a besoin, mais sait se faire oublier le reste du temps.

Imaginez la scène : vous vous promenez, il fait beau, vous êtes heureux et en bonne santé, et, soudain, une vitrine vient vous crier au visage « ça va pas durer, un jour tu vas mourir ». Personnellement, bof, et pourtant, comme indiqué au début de ce paragraphe, je n’ai pas fait carrière sur une pruderie de jeune fille.

Sans compter les enfants. Certes, il est bon de leur enseigner, à un moment de leur existence, que la vie est froide et cruelle, mais peut-être pourrait-on leur ficher la paix les premières années ? Autant un enfant peut passer avec indifférence devant une pompe funèbre comme devant n’importe quelle vitrine qui ne propose ni bonbons, ni jouets, autant un cercueil pourrait capter son attention. Même peint en jaune. Une boite en bois deux fois plus grande qu’eux destinée à accueillir le cadavre sans vie d’un adulte, on peut imaginer les images qi peuvent se créer dans les jeunes esprits. Si les psychanalystes vendaient des actions, je vous conseillerai d’investir.

Et à ceux qui diraient « ils voient pire sur internet ou à la télévision », être un parent irresponsable qui ne contrôle pas ce que voit son jeune enfant n’est pas un argument.

En un mot : votre serviteur est dubitatif sur le projet.

Il reste une inconnue, la réaction des organisateurs du Tour de France. On imagine qu’ils en ont vu d’autres, mais tout de même : passer de Yvette Horner qui joue de l’accordéon tandis que la caravane lance du Cochonou et des bob Ricard dans la foule à des cercueils, c’est particulier. Notez, à bien y réfléchir, c’est peut être une métaphore audacieuse, mais juste, de notre époque.

Guillaume Bailly

Commentaire “Chez PFG, il n’y a pas que le rire qui est jaune”

  1. Je ne trouve personnellement pas plus choquant de montrer en vitrine des cercueil au ton du tour de France que de lire un livre sur la mort sur une plage en été (dont vous en êtes l’auteur pour certains).
    Il n’était pas imaginable, il y a des années, d’acheter un livre sur la mort ou sur les anecdotes d’un croc mort, les mentalités ont évolué, le rapport avec la mort ayant aussi évoluer. Faire des cercueils en couleur, les exposer, ne pas rester sobre et dans une atmosphère lourde et brumeuse démontre également que ce métier et ses magasins évoluent.
    La mort ne doit pas rester un tabou mais une réalité qui montre qu’il faut en profiter en amont.

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