Décès d'un enfant

Congé en cas de décès d’un enfant, le politique et la mort.

Le vif débat, pour ne pas dire la controverse, de ces derniers jours à propos des jours de congés pour le décès d’un enfant que les députés ont refusé de prolonger rappelle que le funéraire, et la mort en général, est une véritable patate chaude pour les politiques.

De la TVA au temps

« Il s’agit de moments particulièrement douloureux pour les familles, encore que je ne sois pas certain qu’un coût moindre puisse, de quelque façon que ce soit, en atténuer le chagrin ». Cette phrase est restée le parfait résumé de l’attitude du politique par rapport à la mort. Elle fut prononcée  en juillet 2012, au Sénat, par le Ministre délégué au budget, qui manifestait de cette façon son refus d’abaisser la TVA sur les pompes funèbres.

Ce Ministre est resté dans la mémoire pour une autre raison. Il s’appelait Jérôme Cahuzac, est ses déboires ultérieures n’ont rien à voir avec le sujet de cet article.

Si la TVA dans les pompes funèbres est, entre les professionnels et les politiques, l’équivalent du Mont Saint Michel entre les Bretons et les Normands, elle n’est que la partie émergée d’un iceberg de malaise politique autour de la mort. C’est ce que nous rappelle cette affaire du congé en cas de décès d’un enfant.

Les députés ont voté contre le prolongement du congé en cas de décès d’un enfant. Contre l’avis d’autres députés, qui avaient lancé cette proposition, contre l’avis des parents concernés, contre l’avis des professionnels et associations, contre l’avis même de n’importe qui doté d’un peu de bon sens et d’humanité.

Le plus ironique, c’est qu’ils l’ont fait pour les entreprises, contre les entreprises. Le MEDEF a même demandé à ce que cette proposition de loi soit revotée.

Lucidité et calculs

C’est une attitude lucide : quiconque a déjà été confronté au problème sait que peu importe, en réalité, la durée du congé légal. Il pourrait même ne pas y en avoir, cela ne changerait rien : le travail, pour un parent qui vient de perdre un enfant, est bien la dernière préoccupation. Il y rejoint un très gros paquet de dernières préoccupations. Ce deuil est si douloureux qu’il occulte le reste.

S’attendre à ce qu’un salarié revienne à son poste cinq ou douze jours plus tard pour reprendre une vie productive au service de l’entreprise est pure illusion. Tout le monde le sait, ou le devine, d’instinct.

Mais les députés qui ont voté contre l’ignorent-ils ? Pas plus que vous et moi. Simplement, ils sont victimes de plusieurs facteurs, al doctrine de groupe, réelle ou supposée, l’isolement du décideur, qui se déconnecte peu à peu des réalités… C’est d’ailleurs à ça que servent les consultations des acteurs de terrain. Qui ne semblent pas exister en matière de funéraire.

Le problème n’est pas la TVA sur le funéraire, il n’est pas non plus la durée du congé pour le décès d’un enfant, ou tout autre problème qu’il faudrait résoudre (ne parlons surtout pas des déclarations de décès et de l’enfer pour trouver un médecin), il est dans le fait que le politique, en général, quel que soit son bord, est extrêmement mal à l’aise avec ce dossier.

A quelques exceptions notables, comme Jean-Pierre Sueur, dont on pourra discuter certaines propositions mais dont on ne contestera pas la compétence réelle qu’il déploie sur le sujet.

Le sujet est délicat, les mauvaises décisions, ou perçues comme telles, sont clivantes, et il est beaucoup plus facile pour les décideurs de ne rein faire que de prendre une décision clivante. La preuve en est de l’allongement du congé en cas de décès d’un enfant : gageons qu’un long moment s’écoulera avant qu’une initiative touchant au secteur funéraire et du deuil soit à nouveau prise. Le drame essentiel est là.

Une anecdote ? En 2012, je travaillais pour une publication funéraire aujourd’hui disparue, alors que la campagne pour la présidentielle battait son plein, nous avions sollicités les candidats pour qu’ils parlent de funéraire. Les « gros » nous avaient snobés dans les règles, mais les petits candidats étaient ravis d’avoir une tribune dans un secteur de niche où ils pouvaient grappiller quelques voix. En toute dernière fin, trois d’entre eux avaient donné leur accord. Eva Joly, pour EELV, Marine Le Pen, pour le FN, et Philippe Poutou, pour le NPA.

Nous avions élaboré un questionnaire à la fois accessible et pointu portant sur le secteur funéraire dans son ensemble avec quelques questions techniques. A ce jour, j’attends encore les réponses de Mme Joly et Le Pen. Mais le plus édifiant reste l’aide de camp de Philippe Poutou. Très sympathique, il m’avait expliqué « écoutes, on va répondre avec plaisir à ton questionnaire, mais on va attendre un peu de voir ce que les autres disent pour se positionner, parce que je t’avoue qu’on n’a pas la moindre idée de ce qu’on va dire ». Finalement, aucun des dix candidats n’a jamais répondu. Et je reste persuadé que refaire l’expérience en 2022 donnera exactement le même résultat. Rendez-vous pris.

Guillaume Bailly

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