Les émotions sont au cœur des métiers des pompes funèbres. Qu’on les subisses venant des familles où qu’on les éprouves soi-même, elles sont un facteur déterminant qu’il est impossible d’ignorer. Et pourtant, on sait très peu de choses sur elles.
Le facteur émotif
Les émotions, tristesse, peur, colère, joie, ont laissé l’humanité perplexe, et ce, depuis aussi loin que remontent les archives. Ainsi, Hippocrate, au III ème siècle avant J.-C., a émis la théorie des « humeurs ».
Globalement, sa pensée était que toute chose était constituée de quatre matières, eau, air, terre et feu, chacune dotée de quatre propriétés, chaud ou froid, sec ou humide. L’ensemble tenait par un équilibre subtil, de la bonne quantité dans le bon état pour chacune, et un déséquilibre engendrait la maladie si il était important, ou un « saut de caractère » si il était faible. Et oui, l’expression « être de mauvaise humeur » découle directement de cette théorie.
Ce corpus théorique a vécu un bon moment, puisque la saignée, pratiquée jusqu’au XIX ème siècle, en découle directement. Ce sont les découvertes sur la circulation sanguine et le fonctionnement global du corps qui ont fini par en triompher.
Dès lors,restait un vide : on savait que les quatre éléments et leurs états n’étaient pour rien sur les émotions de l’être humain, mais, dans ce cas, qu’est-ce qui les provoquait ? Au XX ème siècle, plusieurs théories ont été émises. Des plus charlatanesques (Freud et cie) aux plus sérieuses.
La théorie qui finit par dominer fut celle de Paul Donald MacLean. Pour lui, il existait un système limbique des émotions, une partie pluricellulaire du cerveau qui leur était dédié. Et même si il avait tort, cette hypothèse s’avéra une base solide sur laquelle travailler.
L’avancée majeure fut le développement de l’imagerie cérébrale, il y a une trentaine d’années. Là, les chercheurs découvrirent qu’il n’existait pas un système limbique, central, des émotions, mais plusieurs systèmes reliés entre eux. Et c’étaient les interactions entre ces systèmes qui, en fonction d’un certain équilibre, provoquaient chez l’humain l’envie de rire, de pleurer ou de taper son voisin.
Et… On en est là. Parce que le système s’avère infiniment plus complexe que ce que l’on pouvait supposer au départ. Et même si l’on en sait déjà beaucoup, comme par exemple le rôle des endorphines dans la notion de plaisir, ou celui des amygdales cérébrales dans la notion de peur, il faudra plusieurs dizaines d’années pour avoir une vision d’ensemble.
Parce que le système est désormais connu, il ne viendra pas de grande découverte fracassante qui fera avancer la science d’un coup. La base est connue, mais il s’agit maintenant de dresser la cartographie des émotions, et cela demandera du temps, des moyens, et de la patience.
Même si l’on ne sait pas encore exactement pourquoi les gens ressentent ce qu’ils ressentent, il y a une chose que l’on peut apprendre : reconnaître une émotion et savoir comment réagir face à elle. C’est de la psychologie, et ça, pour un professionnel du funéraire, est indispensable.
Guillaume Bailly