Une remarque sur les réseaux sociaux a provoqué un mini-débat autour du cadavre de Michel Fourniret. Doit-on le considérer comme n’importe quel autre défunt ? Ne peut on faire une exception pour lui ? Les réponses sont : oui, non. Voici pourquoi.
Fourniret dans l’oubli
Michel Fourniret, le tueur en série, est donc mort il y a quelques semaines, et a été inhumé dans une fosse anonyme du carré commun de Thiais, à Paris. Ceci, pour « éviter de troubler l’ordre public ». Ce n’est pas pour éviter qu’il soit retrouvé : n’importe qui avec un peu de jugeote peut identifier la tombe du tueur en série, mais cela demande une volonté et un travail.
Cette disposition anonyme est destinée à éviter qu’une sorte de tourisme macabre s’installe, ou qu’un promeneur désœuvré, s’avisant du sinistre patronyme, ne profane la sépulture.
A titre personnel, je ne me réjouis pas de la mort de Fourniret. Le père d’Estelle Mouzin, qui n’a cessé, sans relâche, depuis 2003, de savoir ce qui était arrivé à sa fille, voit la chance la plus importante qu’il avait de découvrir la vérité ensevelie dans une tombe. Et ce n’est sans doute pas le seul secret que le tueur emporte avec lui dans sa dernière demeure.
Le respect n’est pas un débat
Mais ce n’est pas de cela qu’il est question ici. Lors du décès de Fourniret, j’avais publié, sur les réseaux sociaux, un petit mot rappelant que le respect était du par les pompes funèbres à tous les défunts, même ceux qui, de leur vivant, ont commis de telles abominations.
Comme je le craignais, ça a fait débat. Alors, dans un premier temps, il convient d’expliquer ce qu’est le respect aux pompes funèbres : c’est simplement faire son travail avec autant de soins et de précautions pour n’importe quel défunt, en s’abstenant de tout geste déplacé. C’est tout.
Ceci posé, il n’y a pas débat. Soit on est un professionnel du funéraire et on respecte chaque défunt sans porter de jugement sur qui il était lorsqu’il était en vie, soit on change de métier.
Il y a une raison à cela : le précédent. C’est compréhensible, Michel Fourniret n’était pas un individu aimable et nul doute que, de son vivant, la tentation de la mandale eût été forte. Moi le premier. Et on peut se dire : « Bah, pourquoi ne pas faire une exception pour ce sale type ? ». Et c’est validé : l’exception existe.
Chaque pompe funèbre, après cela, pourrait se mettre objecter que untel ou unetelle n’est pas une personne bien, qu’elle ne peut pas avoir de service digne. Sur des critères objectifs, puis de plus en plus subjectifs. Tant internes qu’externe. Inévitablement, cela ne ferait qu’aboutir à une version funéraire de la « cancel culture » où des groupes autoproclamés « camp du bien » feraient pression sur les professionnels du funéraire pour que tel ou tel dont l’opinion a l’heur de leur déplaire aie des obsèques humiliantes.
Un exemple, pour que vous compreniez bien. Les taxes. Savez-vous ce qu’il y a de plus difficile ? Créer une nouvelle taxe. L’opposition est souvent très forte. En revanche, une fois la taxe créée et installée, chaque augmentation ne rencontrera plus qu’une opposition de principe sans risque politique réel. C’est exactement le même principe : faire une exception, c’est ouvrir la boîte de Pandore. Le critère moral qui prévaut à la décision de s’occuper ou non correctement d’un défunt ne fera ensuite que bouger vers de plus de subjectivité.
En bref : Michel Fourniret a droit au respect de sa dépouille comme tout défunt. Et c’est parce que Fourniret y a droit que tout défunt y a droit, qui qu’il ait été de son vivant. Ça s’appelle une civilisation, la nôtre.
Guillaume Bailly