Défunt guerre

Corps abîmés : apprenez la psychologie avec Rambo

Faut il montrer le corps d’un défunt abîmé à une famille si elle insiste ? Et faut-il que la famille insiste, d’ailleurs ? La réponse est toujours non. Et c’est John Rambo, oui, celui du film avec Stallone, qui nous l’explique.

C’est pas ma guerre

La question poppe de temps en temps sur les réseaux sociaux : soit une famille qui explique que la pompe funèbre l’empêche de voir le corps d’un défunt, soit une pompe funèbre qui se demande si elle doit céder face à une famille insistante. Pas n’importe quel corps, bien entendu : celui de personnes décédées depuis quelques jours et en état de décomposition bien entamée, par exemple, ou de personnes ayant subi des dommages. Mais, dans tous les cas, le genre de défunt qu’on n’a pas envie de montrer et pour lequel le thanatopracteur ne peut plus rien.

Et, ce qui est problématique, c’est que les réponses ne sont pas unanimes. Et que la loi est floue, d’ailleurs, si le médecin qui a signé le bleu n’a pas coché « mise en bière immédiate », débrouillez-vous.

La réponse est non, il ne faut pas, jamais. Enfin, à de rares exception près, mais vous êtes des professionnels, vous devez savoir déterminer lesquelles. Et si vous ne comprenez pas pourquoi, faites vous une soirée cinéma, avec « Rambo », le premier film de la saga de Silvester Stallone.

Rambo, le film psychologique à son insu

Dans le film, Rambo, enfin c’est Stallone, mais dans le film ils l’appellent Rambo (merci Dupontel) revient du Viet-Nam, guerre durant laquelle, rappelons le, les américains se sont pris une sacrée correction. Il croise le chemin d’un shérif à qui la tête de l’ancien combattant ne revient pas, ça se passe mal, et voilà l’ancien soldat avec toute la police du coin et la garde nationale aux trousses après avoir ravagé le commissariat, envoyé la moitié des effectifs à l’hôpital et l’adjoint du shérif à la morgue.

Au fur et à mesure du film, on découvre, à travers des flash back, que Rambo ne va pas très bien dans sa tête, qu’il a régulièrement des visions du passé, des souvenirs de choses pas très agréables qu’il a vues et vécues, et que c’est ce qui le conduit à être, disons le franchement, très violent. A la fin du film, Rambo blesse très sérieusement le shérif et est arrêté après un discours à son ancien colonel. Pour l’anecdote, le film est adapté d’un livre de David Morell, « Premier sang », et à la fin du livre, Rambo meurt. Plus dur pour faire des suites, ce qui lui a sauvé la vie au cinéma.

Et le fameux de discours de Rambo à la fin du film est un parfait résumé de ce qu’est le stress post-traumatique.

Les TSPT, c’est aussi pour les civils

Les Troubles de Stress Post Traumatiques, ou TSPT, ont été découverts officiellement lors de la Guerre du Golfe. Avant cela, on disait juste que les soldats revenaient « changés », du moins pendant les guerres de décolonisation, dont celle du Viet-Nam, mais aussi la guerre de Corée, d’Indochine, d’Algérie, etc., et encore avant cela on n’en parlait juste pas, ce qui ne les empêchait pas d’exister. Quand on sait quoi chercher, on en trouve trace jusque dans les récits antiques.

Une fois le symptômes découvert, et la recherche lancée, on a enchaîné découverte sur découverte. Dont celle que le TSPT n’est pas réservé aux militaires qui ont connu la guerre. Chez les civils qui n’ont jamais mis les pieds sur un champ de bataille, il fait aussi des ravages. Accidents, agression, catastrophe naturelle, les évènements qui peuvent mener à un TSPD sont légion.

A tel point que 9 % des français en souffrent. Promenez-vous dans la rue, une personne sur dix que vous croiserez sera victime d’un TSPT.

Et le rapport avec le sujet ? J’y viens. La vision du corps abîmé d’un être aimé, c’est un parfait déclencheur de TSPT. Léger, bien entendu, mais réel. Vous avez certainement déjà entendu la phrase, si vous êtes dans le milieu du funéraire « non, il ne vaut mieux pas que tu le/la voie, ce n’est pas une bonne image à garder ». Et bien, c’est une forme de TSPT, certes légère au regard d’autres, mais suffisamment puissante pour gâcher une vie. Quelqu’un qui voit instantanément toutes les images d’une personne aimée, tous les bons souvenirs avec elle, court-circuitée par la vision d’un corps en état de décomposition ne fera pas son deuil dans des conditions idéales. Et c’est un euphémisme. Cela peut avoir des conséquences au delà, comme des troubles du sommeil, de la concentration, voire de l’agressivité.

Mais vous direz : « la personne restera avec des questions ». Oui, c’est vrai, ce n’est pas parfait. Mais la personne restera avec ses souvenirs ET une question lancinante qu’elle pourra dompter. Si vous répondez à cette question en montrant le corps, il ne restera plus que la réponse, qui balaiera tout le reste. Il existe des thérapies, mais elles sont très longues et ont de fortes chances d’échec.

Voilà. Si, la prochaine fois qu’une famille insiste pour voir un défunt vous avez la vision de Rambo en train de mitrailler le funérarium au calibre 50, désolé. Mais maintenant, vous avez un acronyme à mettre sur vos arguments, et ça aide.

Guillaume Bailly

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