C’est fait, et c’est passé inaperçu, ou presque : cinq ans après, Thierry Morice a été blanchi par la justice. La conclusion d’une histoire rocambolesque qui a, quelque part, valeur d’exemplarité.
L’affaire Morice
Tout commence en 2016, lorsque Thierry Morice, patron d’une entreprise de pompes funèbres dans les côtes d’Armor, apprend qu’une action en justice est entamée contre lui. Les plaignants, deux familles, dont un des membres travaille pour la justice et jouera de son réseau pour que la plainte soit instruite. Les témoins ? Un marbrier, concurrent, et une ancienne salariée avec qui les relations ne sont pas au beau fixe.
Mais de quoi est donc accusé Thierry Morice ? Accrochez-vous, parce que ça déménage : ce professionnel du funéraire, alors âgé d’une cinquantaine d’années, patron d’une entreprise prospère et qui emploie plusieurs salariés, implanté depuis des années dans sa commune où sa réputation est irréprochable, est accusé de..
Asseyez-vous, vraiment.
Il est accusé de récupérer les capitons dans les cercueils des défunts pour les revendre.
Non, ce n’est pas une plaisanterie. L’homme est accusé le plus sérieusement du monde de mettre en danger sa réputation irréprochable, son entreprise qui fait un chiffre de plusieurs centaines de milliers d’euros par an, et même sa liberté, pour gagner trente balles par ci, par là.
Et l’affaire va prendre des proportions absolument phénoménales : Thierry Morice est mis en examen pour escroquerie, vol et tromperie. Il risque 5 ans de prison et 375 000 euros d’amende. Dans le village où il habite et travaille, il devient un paria. Refusant de quitter leur habitation, son épouse et lui vont se retrancher. Pendant cinq ans, ils vont vivre confinés. Thierry Morice, par ailleurs administrateur du Choix Funéraire, est prié de quitter ses fonctions, ce qu’il accepte.
Un avocat entre dans la danse. Des clients de la pompe funèbre de Thierry Morice sont incités à se constituer en association et à porter plainte à leur tour. Sur quelle base ? Celle qu’ils n’ont pas assisté à la fermeture du cercueil, et que donc, ils peuvent « légitimement soupçonner l’entrepreneur de les avoir volés ».
Un dossier vide
Au final, la justice va identifier deux cas parmi ceux qui lui sont soumis et qu’elle estime être les plus sujets à soupçon, et va décider de vérifier. Pour cela, elle organise une exhumation des deux cercueils, afin de vérifier qu’il ne manque pas le capiton ou la housse. Résultat : chou blanc, tout est bien à sa place.
De même, la brigade financière qui passera les comptes de l’entreprise au peigne fin ne trouvera aucune irrégularité. Thierry Morice et ses proches seront même placés sur écoute. Résultat : rien. Au final, aucune accusation des « témoins » ne pourra être confirmée par l’enquête, au contraire.
Fin de l’affaire ? Et bien non, il faudra attendre que le dossier soit rendu à un juge d’instruction, qui rendra une ordonnance de non-lieu en 2018, puis faire face à l’appel, et c’est finalement le 11 décembre 2020 que la cour d’appel de Rennes a rendu un non-lieu définitif.
Dès que j’avais eu vent de l’affaire, en 2016, il m’avait fallu deux heures pour conclure que tout cela était ridicule, simplement armé d’un ordinateur et d’un téléphone. La justice, avec tous ses moyens, aura mis cinq ans.
Dans l’intervalle, Thierry Morice a tout perdu, il a vendu son entreprise pour éviter la faillite, sa réputation irréprochable a été entachée et restera marquée par le soupçon de certains, et surtout, il a perdu cinq ans de sa vie.
Le 15 décembre, il annonçait à notre confrère Le Télégramme qu’il comptait, pour marquer le coup, traverser le bourg où il vit et où son père était secrétaire de mairie, la tête haute. Il a également déposé plainte pour dénonciation calomnieuse. Parce qu’il y a des coupables, dans cette affaire : les calomniateurs, bien entendu, mais aussi tous ceux qui ont « fait monter la sauce » pour se trouver des clients.
Hélas, l’innocence dans ce genre d’affaire est impossible à prouver, et pour certains esprits étriqués, simplement démontrer que les accusations sont fausses ne suffit pas. Il y a certainement une morale à tirer de toute cette affaire, mais ce n’est pas l’objet de cet article. Le seul et unique but de ce papier est de dire, et de redire, autant que nécessaire : Thierry Morice est innocent. Nous le lui devons, par solidarité entre professionnels.
Guillaume Bailly