Les polémiques politiques, lorsqu’elles touchent au funéraire, ont ceci de particulier qu’on ne sait jamais trop si elles sont drôles ou désespérantes. La dernière en date, concernant la gestion des crématoriums parisiens, ne fait pas exception à la règle.
FUNECAP Vs les élus parisiens
Drôle d’histoire que nous relate la presse ces derniers jours : FUNECAP, un des plus gros opérateurs funéraires français, se retrouve assigné au tribunal par des élus parisiens aux côtés de la Ville de Paris. En cause, la délégation par la ville de la gestion du crématorium du Père Lachaise et de la création d’un parc funéraire à Pantin.
Ces élus se dressent contre la « marchandisation de la mort », ce qui est une belle et noble cause. Totalement hors-sujet, bien entendu, mais belle et noble tout de même.
De deux choses l’une : soit ces élus sont totalement ignorants du sujet dont ils se saisissent, soit ils le connaissent et cachent la vérité aux parisiens pour des raisons dogmatiques. Ce qui, comme dans un cas comme dans l’autre, est dommage, et c’est un travers qui, malheureusement, ne leur est pas totalement spécifique : dans « responsable politique », beaucoup ont souvent tendance à oublier le mot « responsable ».
Il est donc nécessaire de procéder à un petit rappel de législation, à destination des politiques, mais également de certains journalistes.
Privé Vs public
Alors, non, il n’y a pas de privatisation du crématorium du Père Lachaise ni du futur site de Pantin. C’est une délégation de service public, à travers simultanément un affermage et une concession, qui n’a rien d’incontrôlable ou d’irréversible.
L’affermage, tout d’abord, concerne le crématorium du Père Lachaise. C‘est une délégation de service public concédé à un opérateur pour un ouvrage existant. La délégation concerne la création d’un site et sa gestion.
Ce qui va se passer, c’est que FUNECAP va gérer les sites cinéraires parisiens. Ce qui signifie que des salariés de FUNECAP vont recevoir les familles, procéder aux démarches administratives, aux cérémonies, eux crémations. Que FUNECAP va entretenir le complexe, passe le balais et la serpillière, tondre la pelouse, changer les ampoules, s’assurer de l’entretien du four, procéder aux travaux de rénovation, construire un bâtiment neuf, et tout cela payé de sa poche.
Parce que c’est la particularité de la délégation de service public : ça ne coûte pas un rond au contribuable.
Le plus beau là-dedans, c’est que, si FUNECAP construit un second crématorium à Pantin (le second crématorium parisien étant une arlésienne depuis des années), c’est la société qui va le concevoir, diriger les travaux, payer tout ce qu’il y a à payer, et le crématorium appartiendra donc… A la ville de Paris au terme du contrat de délégation.
Et si le crématorium fait un four (pardon pour ce calembour, la tentation était trop forte), ce sera FUNECAP qui supportera le coût de cet échec, pas le contribuable, encore une fois, puisque FUNECAP se rémunère sur les opérations réalisées.
Conclusion de première classe
En échange de tout cela, à savoir payer, travailler et espérer gagner un peu d’argent (c’est une formulation biaisée, bien sûr que l’opération est rentable, FUNECAP n’est pas fou), la société privée versera une taxe par crémation à la ville dont le montant a été négocié.
Mais, et au niveau des tarifs ? Et bien, là encore, l’opérateur ne fait pas ce qu’il veut, puisque les tarifs et hausses sont négociés avec la ville.
Bref, on reprend : durant la durée de la concession, qui n’est pas perpétuelle, FUNECAP va s’occuper de tout, construire, réparer et payer les factures, et in fine tout reviendra à la collectivité. On s’imaginerait les élus parisiens tout à fait satisfaits de cet accord, mais non : pour certains, voir une entreprise privée trouver son compte est manifestement inadmissible.
Le problème est donc la marchandisation de la mort ? Soit, mais dans ce cas, que fait-on la place ? On revient à un monopole public des pompes funèbres, comme au bon vieux temps, avec son système parfaitement égalitaire d’enterrements de première, seconde et troisième classe selon ses moyens financiers ? Ou bien à des obsèques standard qui s’assiéraient complètement sur les croyances et souhaits de chacun ?
La particularité de la délégation de service public, c’est qu’elle permet de défrayer une entreprise pour courir un risque à la place du contribuable, tout en garantissant le respect des droits dudit contribuable. Alors, oui, le système n’est pas parfait, il est même perfectible sur certains points (mais ça, on y reviendra en détails prochainement). Néanmoins, dans la situation actuelle, c’est le mieux qui soit possible de faire. Infiniment mieux, en tout cas, on le devine, que ce qui serait fait si les élus protestataires étaient en charge du dossier.
Aussi, je ne saurais trop leur conseiller de se plonger dans la sublime lecture du Code Général des Collectivités Territoriales, et particulièrement à son très émouvant article L2223-40. Voilà qui les occupera plus utilement.
Guillaume Bailly
Commentaire “Question politique brûlante autour du crématorium”