Tout ne s’arrête pas après le décès. Beaucoup de choses sont à accomplir, et beaucoup à transmettre. C’est la voie qu’a choisi Jessica, après une carrière aux pompes funèbres : généalogiste successorale. Elle nous détaille son parcours et son métier, entre détective et historienne.
Pouvez-vous me parler de votre parcours professionnel et des différentes étapes que vous avez traversées ?
Je suis Jessica, j’ai 31 ans, et mon parcours professionnel a été marqué par une évolution constante. Mon aventure dans le funéraire a débuté à l’âge de 23 ans au sein d’une agence familiale à Annecy (74). Mon rôle était d’accompagner les familles de A à Z. Au début de ma carrière, j’étais déterminée à être présente à chaque étape, du transport avant mise en bière jusqu’à l’inhumation/crémation. Ce début de carrière m’a rapidement fait réaliser que le secteur funéraire était une véritable vocation.
J’ai l’habitude de déménager fréquemment en raison de circonstances professionnelles, mais cela m’a offert l’opportunité de découvrir les particularités culturelles de chaque région. J’ai rapidement développé un intérêt profond pour ces aspects uniques.
Mon parcours m’a ensuite conduit à Nice (06), où j’ai travaillé plusieurs années en tant que conseillère funéraire au sein d’un groupe. Je dois avouer que le passage d’un poste incroyablement polyvalent, où je ne passais pas plus d’une heure au même endroit, à un emploi de bureau a été pour moi une transition pour le moins étonnante. Mes supérieurs ont rapidement compris que j’étais animée par un désir d’exploration constant et m’ont confié la gestion d’une agence, me permettant de réaliser que je souhaitais progresser davantage.
Quelques années plus tard, j’ai décidé d’explorer toutes les facettes du secteur funéraire. J’ai donc postulé dans un autre groupe situé à Paris (75) où j’ai occupé le poste de superviseur de la relation client.
Ma mission consistait à superviser une équipe de conseillers funéraires, veillant à ce qu’ils maintiennent les plus hauts standards de service client. J’ai participé à leur formation continue, les aidant à développer leurs compétences.
Mon rôle incluait également la résolution des situations délicates et la gestion des plaintes ou des préoccupations des clients.
Mon poste de superviseur de la relation client m’a permis de développer de nouvelles compétences. Cette expérience m’a réellement été précieuse.
Que faites-vous aujourd’hui ?
Aujourd’hui, je suis de retour dans le Sud-Est de la France avec un tout nouveau métier, encore peu connu : Généalogiste successorale ou plus simplement, chasseur d’héritiers. Mon travail consiste à dénicher les bénéficiaires héritiers qui sont méconnus.Toujours désireuse de rester dans le secteur funéraire tout en explorant une nouvelle facette, je me suis lancée dans un nouveau défi.
Avec plus de 8 ans d’expérience dans le secteur des pompes funèbres, dans divers domaines, je suis bien consciente du fait que malheureusement de nombreuses personnes décèdent en laissant des salles de cérémonie vides. Plusieurs raisons expliquent cette situation. La majorité du temps cela est du à l’absence de proches: Dans certains cas, la personne décédée peut ne pas avoir de famille proche ou d’amis pour assister à la cérémonie. Cela peut être le cas pour des personnes âgées sans descendance ou pour des individus qui ont perdu contact avec leur famille.
Quelle est la différence entre la généalogie successorale et la généalogie familiale, ainsi que les rôles respectifs des généalogistes dans ces domaines?
Il est essentiel de faire une distinction claire entre la généalogie successorale et la généalogie familiale. Le généalogiste familial est habituellement sollicité par des individus particuliers, se focalisant principalement sur la recherche des ancêtres.
Les généalogistes spécialisés dans les dossiers successoraux sont souvent sollicités par une variété de professionnels, notamment des avocats agissant en tant que curateurs de succession, des syndics immobiliers, des banquiers, voire des compagnies d’assurance vie. Cependant, dans la majorité des cas, nous sommes mandatés par des notaires: soit pour enquêter sur l’identité de tout ou partie des héritiers légaux ; soit pour examiner ou valider la répartition des biens aux héritiers (ordre de succession) afin d’établir, avec certitude, le document officiel correspondant.
En transmettant au notaire le schéma de parenté après parfois de longues recherches, le généalogiste successoral assume une responsabilité envers le notaire responsable de la succession, garantissant ainsi sa conformité aux normes juridiques.
Quelles sont les compétences et les aspects clés nécessaires pour exercer le métier de généalogiste successoral ?
Le domaine du généalogiste successoral englobe de multiples aspects, c’est un métier dynamique, même à l’ère de la numérisation des sources.
Le métier de généalogiste successoral englobe deux rôles distincts. D’une part, il y a ceux d’entre nous qui sont chargés de rechercher les héritiers, et une fois ceux-ci identifiés, un deuxième rôle entre en jeu : nous devenons les mandataires de ces héritiers découverts.
Les chercheurs d’héritiers passent leur temps à explorer les archives, à fréquenter les tribunaux de grande instance, les mairies et à interroger diverses personnes. Il y a donc une dimension de détective associée à ce versant de notre métier. À l’inverse, le côté mandataires requiert des compétences juridiques.
Mon métier exige un esprit pragmatique, il me pousse constamment à remettre en question mes convictions préconçues. L’aspect relationnel joue également un rôle central dans notre activité. Nous traitons des sujets cruciaux pour les individus : le décès, la transmission des biens, les héritages et les questions financières. Les individus que nous localisons ont parfois la possibilité de réclamer une part substantielle d’une succession grâce à notre intervention. Cette profession exige une affinité pour ces compétences ainsi qu’une grande persévérance, car elle demeure complexe.
Dans ce domaine, il faut être extrêmement consciencieux et méticuleux, aimer fouiller et faire preuve d’un esprit un peu détective. Il est essentiel de posséder une certaine intuition et de ne pas être rigide dans son approche. Le sens du contact et la capacité à interroger les gens sont également cruciaux, car il faut être capable de se mettre à leur place, d’imaginer leur vie pour découvrir l’héritier caché.
Quelles sont les difficultés et implications courantes liées à la recherche des bénéficiaires potentiels d’une succession ?
Dans cette profession, l’expérience des revers est inévitable. Parfois, les enquêtes se heurtent à des obstacles dans les archives officielles, et il peut arriver que la révélation de testaments désignant d’autres bénéficiaires ne permette pas à la personne identifiée de revendiquer ses droits de succession. La recherche des bénéficiaires potentiels d’une succession implique l’identification des personnes concernées. Cela peut entraîner diverses conséquences, qu’elles soient positives ou négatives. Il est possible qu’un officier de justice nous contacte pour transmettre des obligations financières aux descendants ou pour résoudre des questions liées à une succession oubliée.
Quelles sont les restrictions légales en France concernant la portée de la succession et la période d’éligibilité à une succession?
En France, la législation restreint la portée de la succession jusqu’au sixième degré de parenté. Au-delà, l’État devient le bénéficiaire des biens du défunt. La loi prévoit une période de dix ans pour laquelle une personne peut être éligible à une succession.
Pouvez-vous expliquer comment votre travail varie en fonction de la réaction des personnes lorsque vous leur annoncez une héritage imprévu.
Dans 70% des dossiers qui nous sont confiés, nous nous présentons comme les messagers de bonnes nouvelles. Nous rencontrons les personnes pour leur annoncer qu’elles vont hériter d’un parent éloigné. Si demain je venais vous voir et vous disais : « Votre cousin au sixième degré est décédé », seriez-vous triste ? Non, vous ne l’avez pas connu, donc il n’y a pas de deuil à faire. C’est un peu comme gagner au loto, sauf que dans ce cas, vous n’avez même pas eu à acheter de billet. En revanche, avec les familles recomposées, nous sommes souvent amenés à retrouver des enfants, des neveux et des nièces, ce qui complique considérablement notre tâche. En de telles circonstances, notre rôle se transforme, passant de celui de messagers de bonnes nouvelles à celui de messagers de mauvaises nouvelles, une dimension inhérente à notre profession.
Qu’appréciez-vous le plus dans ce métier ?
Ce que j’apprécie particulièrement dans ce métier, c’est que chaque dossier est unique. Nous plongeons dans les secrets familiaux, cherchons à comprendre la vie des gens. Il s’agit d’un métier dépourvu de routine, où chaque jour apporte son lot de découvertes passionnantes.
Notre profession implique une dimension humaine significative, bien au-delà de la simple gestion d’héritages financiers. Dans cette ligne de métier, il est admirable de constater comment certains individus accordent une attention particulière à la préservation des liens familiaux, reconnaissant ainsi leur importance bien au-delà de la valeur matérielle des biens hérités.
Nous nous efforçons avec ardeur de tisser des liens au sein des familles, de raviver des connexions qui peuvent s’être affaiblies au fil du temps. C’est une tâche délicate mais gratifiante.
Notre objectif ne se résume pas à la simple liquidation de biens patrimoniaux. Bien au contraire, notre mission englobe une profonde humanité. Nous nous efforçons de préserver l’intégrité des familles, de les soutenir dans des moments souvent empreints d’émotions. C’est cet engagement envers l’aspect humain de notre travail qui donne tout son sens à notre profession, car nous savons que derrière chaque actif se cache une histoire unique et des personnes qui y tiennent profondément.
Guillaume Bailly