Essence vide

J’ai fait un rêve

Alors que la pénurie de carburant due aux grèves dans les raffineries Total commence dans le Nord, et menace de s’étendre, un article de la Voix du Nord nous apprend que, à certains endroits, les pompes funèbres ne sont pas prioritaires. Ce qui laisse rêveur.

Manque de sommeil

Ces temps-ci, je manque un peu de sommeil. Pardon pour ce détail biographique sans intérêt, mais il permet d’expliquer ce qui suit. En effet, j’ai lu un article de la Voix du Nord sur les pompes funèbres, qui expliquait que, dans le valenciennois, elles ne sont pas prioritaire aux pompes à carburant (à priori, à d’autres endroits dans la région, elles le sont).

Suite à une gréve dans les raffineries, et à une ruée des consommateurs aux pompes en l’apprenant, le carburant automobile a rejoint la longue liste des choses qui manquent. Pour l’instant, c’est dans le Nord, mais d’après les journalistes économiques, c’est bientôt chez vous.

Les pompes funèbres ne sont donc pas prioritaire, sans information sur les causes. Est-ce un oubli ou une volonté délibérée ? Peu importe, en fait. Et, suite à la lecture de cet article, comme je manquais un peu de sommeil, donc, je me suis endormi en sursaut, et j’ai fait un rêve.

J’ai fait le rêve que les pompes funèbres se souvenaient de toutes les fois où on les a oubliées ou méprisées, où on a estimé qu’elles étaient mois utiles que d’autres, du discours de François Hollande après les attentats du Bataclan où il remerciait absolument tout le monde, sauf elles, jusqu’à la pompe à essence qui leur étaient interdite et où elle regardaient passer les livreurs Uber.

J’ai fait le rêve que les TSC restaient au garage, que les cellules des funérariums étaient débranchées, que les fossoyeurs remisaient leurs pelles et les crématistes éteignaient leurs fours.

J’ai fait le rêve que, partout sur le territoire, les autorités apprenaient ce que c’était de gérer 612 000 cadavres sans l’aide de professionnels formés et équipés. Qu’elles se tordaient les mains devant des entrepôts frigorifiques pleins sans avoir le moindre idée de comment démonter un monument, qu’elles pleuraient devant l’accumulation de familles outrées de voir leurs défunts emballés par les jardiniers municipaux dans de vulgaire sacs poubelles. Avant que les jardiniers se rappellent qu’ils n’ont pas signé pour ça et refusent de le faire. Pourquoi les jardiniers ? J’en sais rien, les rêves ne sont pas toujours logiques.

J’ai fait le rêve qu’après une période de colère, tous les gens qui tenaient les pompes funèbres en piètre estime se rendaient compte de leur réalité et, soudain les, écoutaient.

J’ai fait le rêve que les journalistes promettaient solennellement de ne plus faire d’articles dégueulasses à la Toussaint juste pour vendre du papier au détriment des travailleurs de la mort.

J’ai fait le rêve que François Hollande allait personnellement s’excuser auprès des équipes qui étaient sur la Promenade des Anglais une funeste nuit de Fête Nationale, de les avoir oubliés, personnellement, un à un.

J’ai fait le rêve que,  travers toute la France, les professionnels avaient tous en même temps poussé un soupir exaspéré et avaient dit : « vous savez quoi ? Débrouillez-vous », et qu’on les avait entendus.

J’ai fait ce rêve, et puis je me suis réveillé avec l’envie d’un café. Le monde était un peu plus terne, l’automne s’installait, et, dans ce beau pays, les pompes funèbres se résignaient à être comme un méchant de Harry Potter dont on ne doit pas parler, obligés d’aller rappeler leur existence et négocier, à chaque crise, un peu d’essence pour pouvoir travailler.

Bien sûr, dans la réalité, ce n’est pas possible. Les préfets s’empresseraient, comme ils en ont le droit, de réquisitionner les professionnels, et surtout, surtout, les pompes funèbres respectent trop les familles et les défunts pour les traiter de cette façon.

Il n’empêche : les pompes funèbres ne sont pas prioritaire. Alors, une fois n’est pas coutume, je vais m’autoriser un peu de vulgarité pour me faire l’expression de la frustration de certains.

Pas prioritaires ? Vous savez quoi ? Allez vous faire f…

Guillaume Bailly

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