photo post mortem

La photographie post-mortem fait son retour

La photographie post-mortem : sujet semblant appartenir à l’histoire, elle a fait son retour dans l’actualité du funéraire, à travers les selfies, avant que le phénomène ne se structure.

Photographie post mortem

Photo Post Mortem

L’usage de la photographie post-mortem, parfois aussi appelée photographie funéraire, s’est répandu principalement dans le monde anglo-saxon au XIXéme siècle. Les première photos présentaient souvent le défunt in situ avec des membres de sa famille, par exemple assis à table durant un repas, ou un enfant décédé semblant jouer avec ses frères et sœurs.

A la fin du siècle, les familles privilégièrent des photos du défunt reposant sur son lit de mort ou dans son cercueil, moins scénarisées.

L’apparition de ces photos coïncident avec l’invention du daguerréotype, ancêtre de l’appareil photo, puis de la photographie elle-même. L’idée était, dans les mises en scène, d’offrir une image du disparu que la famille n’avait pas pu avoir de son vivant, puis, tout simplement, de conserver un souvenir. Les photographies ainsi obtenues avaient une importance capitale dans le processus de deuil, et comptaient souvent au rang des souvenirs les plus précieux de la famille.

La coutume s’étiola lors de l’invention des appareils photos à développement instantané. Au lieu de faire appel à un photographe professionnel, les familles firent leurs clichés elles-même, avant de se détourner, par découragement, de cette pratique.

Celle-ci perdure néanmoins, notamment dans des pays de l’Europe de l’Est ou d’Asie.

Le faux retour scandaleux

Si la photographie post-mortem semblai devenir une curiosité d’historien du funéraire, elle revint à son corps défendant à la une de l’actualité à travers quelques scandales. L’histoire, à force de répétition, en était lassante : des adolescents se prenant en selfie auprès du corps d’un défunt, généralement un membre de leur famille, et postaient la photo sur les réseaux sociaux.

La conclusion, un peu hâtive, qu’en tirèrent certains, c’est que la photo post-mortem, de surannée, était devenue choquante. Ce qui, à la réflexion, s’avère faux.

Le problème de ces photos ne tient pas au fait qu’un défunt y figure, mais à l’attitude de celui qui l’a prise. Le problème, c’est que ce sont des selfies, symptôme du narcissisme de notre époque, le problème, c’est que l’attitude du photographe, sur la photo, est souvent nonchalante, voire accompagnée de mimiques irrespectueuses, et surtout, le problème, c’est qu’elles sont ensuite exposées en public sans accord.

Le problème, en un mot, c’est que ces photos là ont été prises par des gosses mal élevées et assimilées trop vite avec les véritables clichés post-mortem qui, pourtant, n’ont rien à voir.

Le défunt est debout sur cette photo

Photographie funéraire, une aide au deuil

La photo post-mortem semble faire son grand retour aux USA. Parallèlement, la tradition d’exposer le défunt à son domicile plutôt que dans une chambre funéraire fait également son retour en force.

Nouveauté, par rapport au XIXème siècle, les photos sont désormais partagées sur les réseaux sociaux. Le New York Times s’est ainsi penché sur l’histoire de Louise Rafkin, qui a partagé une photo de sa mère sur son lit de mort pour annoncer son décès.

Le post a suscité 4000 commentaires, dont la majorité sont positifs. De nombreux commentateurs ont, soit complimenté la présentation de la défunte, qui semblait reposée, soit regretté de n’avoir pas eu l’occasion ou l’idée de le faire eux-même lors d’un deuil.

Un photographe professionnel y a d’ailleurs souligné que l’objectif des photos post-mortem actuelles est exactement le même qu’il y a deux siècles déjà : documenter (entendez symboliser) la transition du défunt en tant que personne physique à l’état de souvenir. On ne saurait mieux dire.

Une histoire française

Il n’y a pas que dans les pays anglo-saxons que la photographie post mortem est à nouveau considérée. Une histoire se déroulant en France m’est parvenue, et si le début de la démarche doit beaucoup à l’inspiration du moment, la finalité et le but atteint sont inspirants.

Tout commence par le décès d’un homme d’un AVC. Âgé de 44 ans, père d’un enfant de trois ans, légionnaire en activité, la mort de ce caporal-chef laisse sa famille stupéfaite. En attendant les obsèques, le jeune homme est installé au domicile de son oncle, ou il repose en tenue de légionnaire, avec le fameux képi blanc.

Mathieu, ami d’enfance du défunt et photographe de profession propose alors aux parents du caporal-chef de prendre des photographies du défunt en uniforme. Une idée qui pourrait paraître incongrue, mais qui, pourtant, va s’avérer d’une évidente luminosité.

Les professionnels du funéraire prêtent une attention particulière à la dernière image que les familles emporteront de leur défunt. Dans le cas du légionnaire, c’est l’image d’un homme apaisé, l’aire reposé, dans l’uniforme dont il était fier, qu’ils pourront conserver.

Les membres de sa famille se sont montrés, pour certains enthousiastes, pour d’autres dubitatifs, mais les réactions à cette idée n’ont pas été hostiles. Au final, une fois réalisées, les photos ont fait l’unanimité.

On y voit le légionnaire en tenue. « J’étais très fier qu’il soit soldat, et il le savait. Il m’avait fait la surprise de venir pour mon anniversaire, quelques temps avant son décès, et il avait revêtu l’uniforme, qu’il était très fier de porter. C’est pour cela que, sur son lit de mort, la question de la tenue nous est apparue évidente. Les pompes funèbres lui ont mis son uniforme, avec le képi blanc. On le lui a juste retiré avant la mise en bière » m’avait à l’époque expliqué le père, qui m’avait contacté à ce sujet. 

Le képi blanc, c’est le couvre-chef emblématique de la Légion Etrangère, qui est remis aux soldats après leurs classes. Il rappelle les képis déteints à force d’exposition aux intempéries et aux lavages répétés des légionnaires expérimentés. Le képi blanc n’est porté qu’avec la tenue de cérémonie, le couvre-chef quotidien de la Légion Etrangère étant le béret vert des troupes d‘élite.

Ces photographies post-mortem ont été une expérience positive dans le travail de deuil de la famille du légionnaire. En ce sens, elles ont renoué avec la philosophie des photos funéraires du siècle dernier, en permettant à la famille de conserver un souvenir du défunt, certes, mais aussi en leur donnant, certainement, une part active dans l’élaboration du processus de deuil.

Aujourd’hui, ce sont les parents du légionnaire qui s’occupent de son fils de trois ans. Certainement, dans les prochaines années, il cherchera à en savoir plus sur son père, et les photos l’y aideront certainement.

Ces exemples réussis sont peut-être l’occasion de réfléchir à l’utilisation et l’utilité de la photo funéraire en tant qu’outil d’aide au deuil. Le débat est ouvert.

Guillaume Bailly

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