Humusation, aquamation, promession : « les nouvelles pratiques funéraires » sont « l’avenir » et font régulièrement l’objet de reportages dithyrambiques dans la presse. Mais de quel avenir parle-t-on exactement ?
Les médias : nouveau mais pas neuf
A ceux qui n’ont jamais entendu parler d’aquamation, de promession ou d’humusation, surtout travaillant dans le secteur funéraire, on est tenté de demander à quoi ressemble la vie dans une grotte, coupée du monde, tant ces « nouvelles pratiques funéraires » font l’objet de toutes les attentions dans la presse.
Mais est-ce vraiment le cas ? En réalité, c’est un peu plus complexe que cela : lorsqu’on observe la périodicité de parution de ces articles, deux périodes se distinguent. La première, c’est le mois d’octobre, où le funéraire, la Toussaint approchant, fait la « une » de l’actualité. Toute la presse en parle, et les journalistes sont donc en quête de nouveaux sujets.
Par nouveaux, entendez « différents » : le dernier « scandale » fabriqué par une association de consommateurs (cf notre article) et les chrysanthèmes dans les cimetières, on en a un peu fait le tour. Quoi de plus porteur que de parler du futur, et plus précisément de comment on y mourra ? Si l’on en juge les compteurs sous les articles concernés, ça marche, et ça fait grimper le taux d’engagement : les commentaires y sont en moyenne quatre fois plus nombreux que sur un article « lifestyle » lambda.
La seconde période n’en est pas réellement une : disséminés tout au long de l’année, ce sont des moments creux où l’actualité est plus calme et où il faut meubler. Là encore, à condition de l’utiliser avec componction, le sujet fonctionne : après tout, la mort est un sujet qui concerne tout le monde, le futur fascine, et le petit côté un peu glauque et voyeuriste masqué sous un prétexte sociologique absout le lecteur.
Bref, effectivement, les nouvelles pratiques funéraires remportent un vif succès… Sur le papier.
L’humusation… L’aquamation… Mais au fait, de quoi on parle ?
L’humusation consiste à plonger le corps du défunt, simplement vêtu d’un linceul biodégradable, dans du compost. Au bout de 12 mois, il sera transformé en terreau qui pourra être utilisé pour planter vos patates. Pensez juste à prévenir vos invités avant de leur servir les frites.
L’aquamation propose de dissoudre le corps dans un bain chimique. Ne restent que les os, qui sont broyés. Le bouillon de culture en résultant peut servir d’engrais pour les cultures. On ignore si la mafia, qui a inventé la bonne vieille méthode de la soude caustique dans une baignoire il y a un siècle, demande des droits d’auteurs.
La promession consiste à refroidir le corps dans de l’azote liquide (mois 196 degrés), puis à placer le bloc congelé sur une table vibrante, qui le réduira en poussière par fracturation. Ce qui reste sera placé dans une urne biodégradable qui sera inhumée (et pourra servir d’engrais, c’est une obsession). Frileux s’abstenir. [ENCADRE]
Bon, mais ça vient ?
L’humusation fait l’objet d’un projet de loi dans l’État de Washington (États-Unis). L’Australie, le Canada et certains états des USA ont homologué l’aquamation. La promession est aujourd’hui autorisée en Suède, en Angleterre, en Afrique du Sud et en Corée du Sud. Mais toutes ces techniques sont-elles réellement utilisées ? Et bien… Impossible à dire, aucun chiffre n’étant disponible. Mais, en vérifiant de biais, les autres pratiques funéraires n’ont pas subi d’impact particulier.
Pour en avoir le cour net, votre serviteur a décroché son téléphone et appelé dix agences de pompes funèbres, au hasard, dans toute la France. Résultat : absolument aucune, jamais, m’a-t-on certifié, n’a reçu de demande pour l’une de ces trois nouvelles méthodes.
Et quand bien même ces pratiques arriveraient, dûment autorisées et homologuées en France, combien de temps cela prendrait-il pour les faire entrer dans les mœurs ? Rappelons que, entre l’homologation de la crémation en France et son adoption par une partie conséquente de la population suffisante pour la sortir de la marginalité, il s’est écoulé… Un siècle.
Bref, ces « nouvelles pratiques » ressemblent beaucoup à un fantasme écolo qu’à la réalité de demain. Un fantasme faussement prometteur : le bilan réel de ces pratiques, confrontées à la crémation ou à l’inhumation, est loin d’être démontré. Mais c’est un sujet pour un autre article.
Guillaume Bailly
En effet, du temps passera qui vous laissera celui de confier votre dépouille de la manière qui vous plaira, avant que ces bilans se puissent, d’autant que vos jugements à l’emporte-pièces n’aideront pas nos évolutions si nécessaires soient-elles !