Le député Picardie debout de la Somme François Ruffin © Maxppp – PHOTOPQR/LA NOUVELLE REPUBLIQUE
Sur son blog, le député François Ruffin a publié le texte qu’il avait écrit pour un ancien ouvrier de Goodyear, Patrick. Mais avant, il n’a pas pu s’empêcher de jeter une société de pompes funèbres en pâture.
Ça balance, tovarich
On ne mettra pas en doute la sincérité de l’engagement de François Ruffin. Le député LFI ne garde qu’un SMIC de ses indemnités parlementaires pour vivre comme les gens qu’il défend. C’est aussi un artiste, réalisateur du film « Merci patron ! ». Bref, François Ruffin, que l’on partage ses idées ou pas, est quelqu’un d’authentique, de sincère, et il a un côté sympathique.
Du coup, ça m’ennuie un peu de lui taper dessus, mais quand il faut, il faut.
Sur son blog, François Ruffin a publié un billet où il partage le texte qu’il avait écrit pour les obsèques de Patrick, ancien ouvrier de Goodyear, décédé très peu de temps après sa retraite. Et avant cela, il rédige une petite introduction, pour contextualiser. Et raconter une anecdote.
Il explique que l’épouse de Patrick, à la fin de la cérémonie au crématorium, propose à l’assistance de faire un tour du cercueil afin d’y voir une inscription que le défunt avait souhaité y voir porter. Et là, le « Chef du service funéraire » (ça s’appelle un Maître de cérémonies, Monsieur Ruffin, et c’est un salarié, comme ceux que vous défendez) refuse sèchement.
Je reproduis ici l’échange tel que raconté par François Ruffin :
« Ah non, y a plus le temps…
-Ah ben, on aurait bien aimé… a bredouillé Isabelle.
-Ah non, ce n’est plus possible !
-Ah bon, bah alors, d’accord… »
Alors, déjà, au passage, soit François Ruffin livre une reconstitution d’un dialogue à sa sauce, soit, il faut que la société envoie son Maître de cérémonies en formation. Là dessus, il a raison. On ne dit pas « Ah non, il n’y a plus le temps » à une famille. On dit « Je suis désolé, Madame, malheureusement… » et l’explication du pourquoi. Tout passe toujours mieux quand on explique.
Une des explications possibles est que la crémation démarrait juste après, et que la décaler aurait décalé toutes les autres de la journée, mécaniquement. Et, dans un crématorium, si le planning est un peu serré, on ne peut se permettre aucun laxisme avec les créneaux. Faire une exception avec une famille, c’est en pénaliser deux, cinq, dix ensuite.
C’est important, parce que le Député pose la question dans son texte : « Vous croyez qu’il serait intervenu de même, l’employé, pour la crémation d’un notable, d’un élu ? ».
Oui, François, pardon, je deviens familier, mais quand vous posez une question aussi bête, on se dit que, finalement, vous n’êtes qu’un homme, faillible, comme moi. Bien sur que oui il serait intervenu de même. Évidemment que oui. Enfin, il est vraisemblable, encore une fois, que pour des « grosses » obsèques, entendez très fréquentées, l’organisateur aurait prévu un créneau plus large. Manifestement, pour Patrick, ça n’a pas été le cas, et il aurait fallu.
N’allez pas croire que le Maître de cérémonies aie fait cela par plaisir ou mépris social. J’ai été voir le site de la pompe funèbre en question, et lire les avis des familles. Ces gens là ne sont pas des manches, ce ne sont ni de mauvaises personnes ni de mauvais professionnels, au contraire. Il s’est passé autre chose. Quoi ? Je n’en sais rien, je n’étais pas là.
Mais vous oui, et vous n’avez pas posé la question. C’est dommage. Vous auriez découvert, sans doute, qu’il y avait une bonne raison à cela. Vous auriez découvert que ce « Chef du service funéraire » était un salarié comme un autre, avec un métier extrêmement pénible, et peut être même qu’il votait pour vous. C’est un réflexe malheureux, peut être, chez vous, dès que vous voyez un type en costard cravate, vous le considérez comme un ennemi du prolétariat ?
Ce n’est pas grave, ça arrive. Ce qui est grave, en revanche, c’est d’afficher ainsi une société de pompes funèbres, sur un blog certainement lu par des militants. Vu le comportement de certains d’entre eux (une minorité, mais il suffit d’un), vu le contexte politique tendu, vu la mauvaise réputation (injuste, j’ai littéralement écrit des milliers de pages là dessus) de la profession, ça revient littéralement à dessiner une cible sur leur vitrine, parce que vous avez supposé en fonction de vos préjugés plutôt que de poser simplement la question. Ce n’est ni une preuve d’intelligence, ni une preuve de responsabilité.
Bien entendu, le lien vers votre billet de blog se situe à la fin de l’article, afin que nos lecteurs puissent avoir les deux versions et se faire leur propre idée. Je vous enverrai également, Monsieur Ruffin, le lien vers le présent article, afin que vous puissiez y répondre, si vous le souhaitez.
Mais, pour finir, je tiens à rendre hommage à Patrick. Croyez le ou non, je déplore qu’il se retrouve ainsi pris en otage de ce petit contentieux. A travers votre texte, on devine que c’est un homme bien qui est parti, et j’imagine la douleur de ses proches.
Le lien : https://francoisruffin.fr/lenterrement-comme-a-lusine/