Sente, sentier, chemin

Les chemins des morts

Jusqu’aux Fêtes de fin d’année, le jeudi, Funéraire Actualité vous offre une petite tranche de l’histoire du funéraire. Aujourd’hui, pourquoi certaines rues et ruelles s’appellent-elles « des morts » ?

Sente, sentier, chemin

Ces sentiers balisés, parfois devenus routes, parfois restés chemins creux, remontent pour beaucoup au Moyen Age, et se situent principalement en territoire Celte : Bretagne, Irlande, Écosse, mais aussi Angleterre ou Normandie, pour les mieux conservés , en tout cas. Toutes les régions en ont un jour ou l’autre été pourvues.

L’origine de ces chemins se trouve dans l’époque rurale et chrétienne de notre ère. L’idée, alors, était simple : les croyants devaient absolument être enterrés en terre consacrée, dans un cimetière adjacent à une église. Un prêtre devait autoriser l’inhumation et procéder à la cérémonie d’obsèques, parfois réduite à une prière.

Les communautés étaient souvent constituées de hameaux, plus ou moins éloignés les uns des autres, gravitant autour d’un village. Cet ensemble était constitutif de la paroisse. Ces paroisses étaient elles-même constituées autour d’une église.

Les chemins des morts étaient un ensemble de routes, reliant les hameaux, et menant à l’église. Elles étaient empruntées lorsqu’un habitant mourait, pour l’amener au prêtre, et au cimetière. Pour marquer la route à suivre, et attirer les faveurs de Dieu, ces routes furent balisées de calvaires, de croix, d’oratoires.

Lorsqu’un défunt mourait au domicile, son corps y reposait jusqu’aux obsèques, prévues généralement tôt, dès le lendemain le plus souvent, et le jour dit, la procession se mettait en route vers le cimetière. A chaque balise, connotée religieusement, il était marqué un arrêt, pour y prier.

Le clergé s’avisa qu’il serait peut être plus simple, plutôt que de marquer autant de stations, de prier tout du long de la route. La cérémonie n’avait ainsi plus l’allure d’un transport de corps s’arrêtant devant chaque croix, ou le défunt serait quantité négligeable, mais d’un convoi ou le mort serait mis en avant, en communion avec les édifices chrétiens placés sur sa route.

Le prêtre attendait le défunt à l’église ou au cimetière, mais dans les communautés les plus soudées, ou chez les plus aisés, il devint coutume que tout le monde se rende chez le défunt, pour l’accompagner tout au long de la route. L’ordre de marche était immuable, le porteur de la croix, le prêtre, et les enfants de chœur l’accompagnant, les ordres religieux, ou leurs représentants, la famille transportant le défunt, sur un brancard ou un chariot, tracté de préférence par des chevaux noirs.

L’on aura beau chercher, deux éléments, toujours les même, ont présidé à la création du patrimoine médiéval de l’Europe : la foi chrétienne et la peste.

Celle-ci, notamment lors des épidémies du XIIIéme siècle, contribua à lier les paroisses entre elles, par un réseau routier balisé, pour la première fois. De façon accidentelle, bien entendu.

Comme il n’était pas rare que des communes aient été rayées de la carte par la peste ou simplement désertées à cause d’elle, ou simplement que le prêtre ait été lui-même atteint de la pestilence, il fallut résoudre un problème simple : comment enterre un chrétien en terre consacrée, puisque l’inverse eût été inimaginable ?

Plusieurs routes des morts furent alors unies, pour que le convoi funèbre, si l’inhumation n’était pas possible dans la commune, puisse aisément trouver la suivante.

Les chemins des morts étaient quotidiennement, bien entendu, empruntés par les vivants pour les affaires courantes. Mais la priorité toujours donnée aux défunts, leur balisage religieux à cet usage, et le fait qu’ils s’achevaient tous aux portes du cimetière, leur donnèrent leur nom.

Si aujourd’hui certaines rues ou ruelles s’appellent encore « Des Morts », c’est sans conteste qu’elles se situent sur le passage d’une de ces anciennes routes des morts, bucoliques et parsemées de signes d’espérance. Ces routes existent encore aujourd’hui, à leur façon, à travers leurs héritières : elles ne portent pas de nom distinctif, elles sont bitumées, et les calvaires ont été remplacés par des feux de circulation.

Guillaume Bally

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *