L’été, l’actualité est pus calme, et l’envie est à des lectures un peu plus légères. Et ça tombe bien, puisque, sur Funéraire actualités, nous avons des histoires à vous raconter. Que diriez-vous pour commencer d’une belle histoire d’amour sur fond de révolution française, assaisonnée d’un peu de macabre ?
L’amour sous la révolution
En février 1793, George Jacques Danton est en Belgique. Il y est parti le 30 novembre, pour évaluer les besoins de l’armée du Nord.
Et cette mission en extérieur est un souffle d’air frais pour l’ancien Ministre de la Justice. A la convention, les attaques des Girondins sont concentrées sur lui, Marat et Robespierre. Particulièrement, Danton est visé pour sa gestion du budget calamiteuse. Cette hostilité fait le lit de Robespierre, qui la retourne à son avantage, au détriment de l’influence de Danton.
Aussi, lorsque le Général Dumouriez se plaint du dénuement de ses hommes stationnés en Belgique, c’est avec un certain soulagement que Danton se porte volontaire pour faire partie d’une mission parlementaire. Il faut dire aussi que le dénuement de l’armée du Nord est dû au détournement de ses fonds au profit d’un ami à lui, et garder un oeuil sur l’enquête l’arrangeait.
La période de son départ coïncide avec le début du procès de Louis XVI. Danton pense qu’il faut épargner la vie du roi, au profit de la concorde nationale, mais pressent que le vent ne va pas dans son sens. Aussi, se tenir loin, et du procès, et de la guillotine, l’arrange. Lors d’un passage à Paris, néanmoins, il votera prudemment la mort en janvier 1793 puis repart aussitôt.
Danton accomplit donc sa mission en Belgique, élargie, puisqu’il est question de rattacher le pays à la France. Il fait des aller-retours entre le nord et paris, où il tient compte de ses avancées. Son retour à Paris est prévu mi-février.
Le 18 février, la nuit est tombée, et le sculpteur Claude André Deseine est bien au chaud dans son lit. La nuit est tombée depuis longtemps, l’hiver est rude, et le sculpteur a eu une rude journée. En 1791, il avait obtenu un prix pour un buste de Mirabeau, et, depuis, tous les députés se bousculaient pour commander le leur.
Soudain, une main le secoue. Deseine a une particularité, il est sourd et muet, aussi n’a-t-il pas entendu le tintamarre en bas de sa maison. Face à a lui, Danton, semblant fou, une liasse d’assignats, ces ancêtres des billets de banque, à la main, souhaite manifestement que le sculpteur le suive. A peine le temps de s’habiller, voilà Deseine traîné dans le sillage du révolutionnaire.
A la grande surprise de l’artiste, leur destination est le cimetière Sainte Catherine. Là, le gardien les attends, près d’une tombe, et les salues rapidement, avant de continuer à creuser. Stupéfait, l’artiste voit, posée non loin, une démarque : « Antoinette Gabrielle Danton, 1762 – 1793 ».
L’épouse du révolutionnaire est morte durant son absence, en mettant au monde leur quatrième enfant, qui n’a pas survécu non plus.
Lorsque le gardien atteint le cercueil, Danton saute dans la fosse. Il ouvre lui-même la bière et en sort le corps de sa défunte épouse. Là, en larmes, il lui supplie de lui pardonner son absence, mais aussi ses nombreuses infidélités. Effondré il sanglote irrépressiblement, avant d’embrasser le cadavre à pleine bouche, plusieurs fois. Tant bien que mal, le sculpteur comprend qu’on attend de lui qu’il réalise un masque funéraire de la défunte. Il s’exécute tant bien que mal, tandis que le révolutionnaire ne lâche pas le corps de son défunt amour.
La tâche accomplie, le corps est replacé dans le cercueil, et inhumé à nouveau.
Néanmoins, l’existence du masque funéraire est sue de tous, et, rapidement, les circonstances de sa réalisation fuient. Un scandale manque d’éclater, rapidement étouffé par l’ami fidèle de Danton, Robespierre.
Danton s’en relèvera cependant : six mois plus tard, il épouse Sébastienne Louise Gely, une jeune fille de 17 ans. Il repartira en Belgique pour essayer de mater une situation désastreuse, organisera le génocide Vendéen, et repasse à Paris en mars pour faire voter, à l’initiative de Robespierre, le tribunal d’exception qui marquera le début de la Terreur. Tribunal dont il sera lui-même victime, décapité le 5 avril 1794, hurlant à son ex-ami qui l’avait fait condamner : « Robespierre, tu me suis ! Ta maison sera rasée ! On y sèmera du sel ! ».
Lequel Robespierre lui avait écrit, au moment du décès de sa première épouse : « Si, dans les seuls malheurs qui puissent ébranler une âme comme la tienne, la certitude d’avoir un ami tendre et dévoué peut t’offrir quelque consolation, je te la présente. Je t’aime plus que jamais, et jusqu’à la mort. Dès ce moment, je suis toi-même. Embrasse ton ami ».
Le buste funéraire de Antoinette Gabrielle Danton existe toujours. Il peut être vu au Musée du Saint-Loup, à Troyes.
Guillaume Bailly