Lundi auront lieu les obsèques de la reine Elisabeth II, et on peut compter sur les britanniques pour une démonstration de protocole irréprochable. Comment enterre-t-on une reine ?
God bless the King
Les obsèques de la reine Elisabeth II auront lieu le lundi 19 septembre, 9 jours après le décès de la souveraine, et cela donnera lieu à une démonstration de protocole très strict. Triplement strict, d’ailleurs : il devra à la fois respecter la tradition britannique, être le reflet des volontés de la souveraine, et montrer une touche apportée par le nouveau roi.
Parce qu’il est une chose essentielle à savoir sur le protocole, que l’on perd trop souvent de vue : ce que certains voient comme des simagrées hors du temps est en fait soigneusement étudié pour avoir une réelle portée symbolique.
Les obsèques de la reine ont été planifiées depuis des années, et répétées intégralement tous les quatre ans. Répétition générale qui se faisait en présence de la principale intéressée, qui procédait elle-même à certains réglages. On peut considérer que c’est une des rares personnes au monde à avoir assisté à son propre enterrement, et plusieurs fois.
Dès la mort, une procédure très stricte s’est mise en place. Lorsque le décès a été constaté par le médecin, le secrétaire personnel de la Reine a prévenu la Première ministre en lui indiquant le code « London bridge is down ». Le décès de la Reine est ensuite annoncé, mais uniquement en fin d’après-midi, après le bouclage des journaux.
C’est en effet une règle très stricte : on n’annonce jamais le décès d’un souverain dans les journaux du soir, considérés comme des parutions secondaires et moins « nobles ». Coutume qui remonte au XIXème siècle, où bon nombre de journaux paraissaient le matin, et publiaient un second numéro en fin de journée quasi exclusivement consacré aux faits divers. Hors de question que Sa Majesté paraisse aux côtés de voleurs et d’assassins.
Durant son exposition, la dépouille royale est gardée par quatre militaires, relevés toutes les vingt minutes. Des soldats de tous les corps, en grand uniforme, comme par exemple deux membres de la Royal Compagny of Archers, Ben Wallace et Alistair Jack, qui ont effectué leur tour de garde jeudi. Pourquoi les citer ? Parce que ces deux militaires de réserve qui ont effectué leur devoir sont respectivement Ministre de la défense et Secrétaire l‘état pour l’Écosse.
Dimanche soir, le Roi Charles III (anciennement le Prince Charles pour ceux qui, comme votre serviteur, n’arrivent pas à s’habituer) donnera une réception pour les dirigeants étrangers venus assister aux obsèques, où chacun signera un registre de condoléances de manière formelle. Puis ils pourront se recueillir chacun trois minutes devant la dépouille de la reine. Trois minutes, pas une de plus, même Joe Biden n’a pas obtenu de passe-droit, c’est dire.
Les chefs d’État pourront assister à la cérémonie en présence de leur conjoint ou conjointe, deux personnes par pays, pas plus. Tous les pays du monde ont été invités (tous ne répondrons pas), sauf six : la Russie, la Birmanie, la Corée du Nord et l’Afghanistan parce qu’ils sont considérés comme problématiques, la Syrie et le Venezuela parce que le Royaume-Uni n’entretient pas de relations diplomatiques avec eux.
A noter que le dictateur communiste de la Corée du Nord, Kim Jong-un, n’a pas envoyé de message de condoléances à la Couronne britannique, alors qu’il avait adressé un message de félicitations à la Reine Elisabeth II à l’occasion de son jubilé. Il a certainement une plaisanterie très amusante à faire à ce sujet, mais ce n’est pas le propos.
Outre la limitation du nombre, les chefs d’États sont également priés, dans la mesure du possible, de prendre des vols commerciaux réguliers plutôt que des jets privés. Officiellement pour ne pas saturer les aéroports londoniens, mais officieusement un ajout personnel du Roi Charles III (ex Prince Charles, habituez-vous), écologiste dans l’âme. Les chefs d’État seront ensuite transportés en bus. Privatisé et de luxe, tout de même. Ceux qui persisteraient à vouloir utiliser un avion spécial seront orientés vers des aéroports plus loin de Londres.
Seule exception, Joe Biden, qui viendra avec Air Force One, circulera dans sa limousine blindée entourée des vingt véhicules du secret service et de l’équipe chargée de s’assurer que le Président est toujours en vie.
A 11 heures, heure de Londres, 12 H en France, Big Ben sonnera et le cercueil de la reine fera son entrée à l’abbaye de Westminster. A l’issue de la cérémonie, le cercueil sera placé sur un affût de canon qui sera tiré par 135 marins jusqu’à la crypte du Château de Windsor, distant de 35 kilomètres, où la reine reposera.
Durant la cérémonie d’obsèques, le cercueil du Prince Philippe, qui repose provisoirement à la chapelle de Windsor, sera déplacé vers la crypte, afin que la Reine, selon ses volontés, puisse reposer aux côtés de son époux.
Enfin, les cérémonies proprement dites seront terminées, le deuil s’achevant mardi soir, et l’on pourra observer avec intérêt cette nouvelle ère de l’histoire britannique qui s’ouvre.
Dans l’intervalle, le plus dur reste à venir, puisqu’il faudra, pour ceux qui, comme moi, ont du mal, s’habituer à l’idée que le Roi Charles III et le Prince Charles sont la même personne. 70 ans d’habitudes à perdre, ce n’est pas rien.
Guillaume Bailly