Le funéraire est le métier des euphémismes et des mots choisis. Récemment, quelques posts sur les réseaux sociaux s’interrogeaient sur les mots utilisés pour expliquer les choses aux familles. Petite contribution.
Sémantique pas en toc
Il est normal de s’interroger sur le vocabulaire à employer face à une famille. Et pour cela, il n’y a pas trente six solutions : il faut travailler. Échanger avec des collègues, sur les groupes sociaux, pour le côté spécifique, certes, mais aussi enrichir son vocabulaire. Être à l’aise avec le vocabulaire funéraire, c’est être à l’aise avec le vocabulaire tout court. Lorsqu’on n’est à l’aise qu’avec un langage spécifique, mais pas avec le langage en général, on n’est pas à l’aise, tout simplement.
Certes, il y a des contre exemples. On songera à tel ou tel connu pour sa verve, mais lorsqu’on est conseiller funéraire ou Maître de Cérémonies, on ne compte pas sur son bagout façon « Nanar la combine ».
L’arme absolue, ce sont les livres. Toutes les étude le démontrent : quelqu’un qui lit a beaucoup plus de vocabulaire que quelqu’un qui ne lit pas. Et si on n’est pas à l’aise avec la lecture… D’accord, parenthèse personnelle : je suis absolument persuadé que tout le monde aime lire. Simplement, tout le monde n’a pas eu la chance de rencontrer le livre qui lui en a fait prendre conscience. Mais bref.
Si vous n’êtes pas à l’aise avec la lecture, écoutez. Il y a de quoi. Écoutez parler les politiques, niveau circonvolutions lexicales, ce sont les champions. Écoutez aussi des humoristes. Certes, votre métier n’est pas de faire marrer les gens, mais les pros du rire savent donner des leçons en terme de choix des mots, de tournures de phrases, et de rythme. Dommage qu’ils soient tous morts.
Pardon ? Il y en a des vivants ? Excusez moi, nous nous sommes mal compris. Nous ne parlons pas des « humoristes » contemporains qui s’expriment au mieux avec le vocabulaire et l’attitude d’un enfant de trois ans qui se sent tout fier parce qu’il a dit un gros mot, ou qui expose sans pudeur ses problèmes intimes, nous parlons de vrais humoristes qui faisaient rire une foule juste avec le poids des mots. Trouvez des enregistrements de Pierre Desproges et de Raymond Devos, vous comprendrez.
Des trucs de vieux ? Certainement. Mais, navré de le dire : si vous voulez enrichir votre vocabulaire pour être plus à l’aise à l’oral, ce n’est pas en cherchant dans la création contemporaine que vous y arriverez. Quoicoubeh frère.
La conclusion, la voici : maîtriser l’oral pour être à l’aise dans un métier de contact aussi sensible que les pompes funèbres, ce n’est pas seulement être capable de retenir des formules spécifiques, c’est aussi savoir les transformer pour qu’elles vous correspondent. De cette façon, vous les direz plus naturellement, et votre sincérité ressortira, ce qui plaira à la famille.
Les proches des défunts se sentent mieux face à un professionnel qui maîtrise son sujet, est capable de leur expliquer les choses en se mettant à leur niveau, tout en restant naturel et empathique. Si ils ont l’impression de parler à un stagiaire qui récite un argumentaire par cœur, ça n’ira pas. Vous serez malheureux, et, paradoxalement, être malheureux quand on travaille dans le funéraire, c’est anormal.
Guillaume Bailly
Quelle superbe analyse ! Vous avez, hélas, bien raison quant au vocabulaire limité et désinvolte des jeunes d’aujourd’hui. J’espère ne jamais avoir à entendre un croque dire « allez ça marche » comme le disent les serveurs (ses) dans les bars et restaurants.
Effectivement, nous avons un métier où l’éloquence est notre outil de travail. Merci pour cette remarque.