Dans un précédent article, nous avions vu que les pompes funèbres communautaires, dans certaines villes, bien que tout à fait légales, posent problème à leurs confrères « généralistes ». Mais ces sociétés très spécialisées, en étendant le propos, sont elles l’avenir, ou va-t-on au devant d’ennuis ?
Tous ensembles, seuls !
La France, dans un futur, le plus lointain possible (vous allez comprendre pourquoi) : votre serviteur vient d’avaler son bulletin de naissance, de passer l’arme à gauche, bref, je suis mort (vous avez compris pourquoi, maintenant?). Et la personne qui sera préposée à organiser ses obsèques devra donc contacter des pompes funèbres.
Une liste lui sera présentée. Les pompes funèbres catholiques ? Bien qu’ayant été élevé dans cette religion et la respectant profondément, mon préposé aux obsèques saura que cela ne correspondra pas exactement à ce que je souhaitais. Surtout la playlist musicale. Il y restera donc les pompes funèbres juives, les pompes funèbres musulmanes, et les pompes funèbres protestantes.
Et, dans chacune de leurs agences, la personne chargée d’organiser mes obsèques sera reçue aimablement, mais on lui expliquera que, n’appartenant pas à leur religion, ils ne peuvent rien pour moi. Leur Dieu pourrait mal le prendre, et leurs coreligionnaires encore plus.
A ce stade, mes proches auront renoncé à l’idée de recommander mon âme à quelque divinité, et chercheront donc à me rendre un hommage plus terrestre. Ce qui est fort aimable de leur part, parce qu’après quatre refus, je me serais jeté moi-même dans la fosse commune.
Ils discuteront donc des options qui leur restent, et quelqu’un suggérera les pompes funèbres écolo-bobo-new age. Tout le monde éclatera de rire et l’idée sera balayée entre deux hoquets.
Enfin, quelqu’un dira « bon, reste les pompes funèbres à l’ancienne, comme il les aimait tant, ceux qui sont capables de tout faire ». Et ils chercheront, pour découvrir que l’agence généraliste la plus proche se trouve une centaine de kilomètres. Ce qui n’est pas pratique. Ils trouveront également une agence de pompes funèbres spécialisée dans les vieux écrivains métalleux ringards (un segment très, très spécialisé), très éloignée et très onéreuse. Pensez, à tout casser, ils font deux convois par an.
Finalement, par amour pour ma famille, et pour les tirer du mauvais pas où je les ai fourrés, je n’aurai pas d’autre choix que de ressusciter.
Plus sérieusement
Les pompes funèbres, par définition, doivent savoir tout faire. Qu’arrive chez elles un catholique, un protestant, un juif, un musulman, un athée, un animiste, un hindouiste, voire même un maître Jedi, tout le monde est censé recevoir des obsèques conformes à ses croyances. Je me rappelle (oui, cet article est vraiment autocentré, et abuse vraiment, vraiment, des parenthèses) la fois où, assis sur une chaise en plastique dans un salon de coiffure africain, j’écoutais la coiffeuse et sa cliente tenter de m’enseigner les rudiments de la religion animiste pour un convoi.
Que des pompes funèbres communautaires, très spécialisés dans une religion ou une philosophie, apparaissent, pourquoi pas ? Dans des bassins ou certaines croyances sont très représentées, ça fait sens, aucun doute. Il doit être confortable pour les familles de savoir, par exemple, qu’une pompe funèbre est recommandée par leur conseiller spirituel.
Le problème, c’est le développement, et l’extension à tout, de la spécialisation. Parce qu’elle induit une perte de polyvalence de plus en plus poussée. Et une perte de la capacité d’apprentissage.
De même, cela va diviser la clientèle, jusqu’à un stade où les pompes funèbres généralistes, privées des convois catholiques, juifs, musulmans, protestants, puis, qui sait ? Des convois écologistes, des Témoins de Jéhovah, etc. se retrouveront, soit à devoir mettre la clef sous la porte, soit à disposer de beaucoup moins de moyens pour personnaliser des obsèques ou faire de grands convois.
Parce que, finalement, une pompe funèbre généraliste, c’est cela : une mutualisation des moyens et compétences pour que chacun ait droit de partir comme il le souhaitait. Une nation, en somme, à plus petite échelle.
Guillaume Bailly