Depuis quelques années, une tendance surprenante s’est imposée sur TikTok sous le hashtag #GraveTok. Des créateurs de contenu se filment en train de nettoyer et restaurer des tombes abandonnées, offrant à leurs abonnés une transformation visuellement saisissante. Et c’est bien, non ? Et bien, ça dépend…
Un acte de mémoire ou un spectacle ?
Sur le réseau Tik Tok, qui permet à des gens de poster de courtes vidéos, une mode de niche a fait son apparition : le nettoyage de monuments funéraires. Principalement aux USA, mais on en toruve dans le monde entier, et même en France.
Pour certains, ces vidéos sont une manière honorable de rendre hommage aux défunts, notamment lorsque les tombes sont laissées à l’abandon. Le nettoyage, souvent effectué avec des produits spécialisés, permet de révéler des gravures oubliées et d’apporter une seconde vie à ces lieux de mémoire.
Certains TikTokeurs approfondissent même leur démarche en recherchant des informations sur les personnes enterrées, partageant leur histoire et tentant de raviver un souvenir qui pourrait autrement disparaître. Dans une époque où l’attention médiatique est éphémère, cette initiative est parfois perçue comme une manière moderne de préserver la mémoire collective.
Mais tout le monde ne voit pas ces vidéos d’un bon œil. Des experts en préservation du patrimoine s’inquiètent de l’utilisation de produits de nettoyage trop agressifs, qui pourraient endommager les pierres tombales à long terme. D’autres craignent une forme de monétisation de la mort, où les créateurs exploiteraient ces espaces sacrés uniquement pour générer du contenu et augmenter leur nombre de vues.
Parce que, oui, Tik Tok peut engendrer des revenus. Et les gens qui gagnent leur vie avec ce réseau sont considérés comme « influenceurs », métier curieux s’il en est qui désigne des gens payés pour dire aux autres quoi penser.
Le problème Kaeli Mae McEwen
Parmi ces TikTokeurs, Kaeli Mae McEwen, alias « The Clean Girl », divise particulièrement l’opinion. Avec une esthétique colorée et une mise en scène soigneusement orchestrée, elle nettoie des tombes en adoptant un style léger et presque ludique. Elle choisit parfois les sépultures au hasard en lançant une balle visqueuse, ce qui donne une dimension imprévisible à ses vidéos.
Cette approche a suscité des débats animés. D’un côté, ses admirateurs louent sa capacité à mettre en lumière des tombes oubliées, et apprécient le côté apaisant de ses vidéos. De l’autre, certains dénoncent une spectacularisation de la mémoire et un manque de solennité face aux défunts. Sa manière d’aborder le sujet, jugée parfois trop insouciante, soulève la question de la limite entre respect et divertissement.
D’autant qu’elle utilise un produit, qui se remarque par sa couleur rose fluo, qu’elle commercialise et dont la composition reste mystérieuse. Dès lors, chacun de ses Tik Tok peut être considéré comme un spot publicitaire pour ce liquide flashy.
Certains cimetières historiques ont déjà réagi à cette tendance en publiant des recommandations sur la manière de respecter ces lieux lors d’un tournage vidéo. D’autres pourraient suivre et chercher à encadrer cette pratique pour éviter d’éventuelles dérives. D’un point de vue légal, rien, ni aux USA ni en France, n’interdit de nettoyer une tombe, même si elle en vous appartient pas.
Ce qui pose une question : tout peut-il être scénarisé ? Les commentaires sont ouverts au débat.
Guillaume Bailly