L’année funéraire commence fort, avec le choix hautement symbolique de Desmond Tutu de l’aquamation pour ses obsèques. Vu la portée du personnage, le procédé a été mis en avant, et des voix se sont élevées, pour demander « à quand en France ? ». Pas si simple.
La rédaction de Funéraire Actualités vous souhaite une excellente année 2022.
Héros de l’Apartheid
L’archevêque Desmond Tutu nous a quittés le 26 décembre dernier, et il est certain qu’en cette période de fêtes, il n’a pas eu une couverture médiatique à sa hauteur. L’homme d’église anglican fut un grand théologien, mais aussi un grand résistant à l’Apartheid en Afrique du Sud, aux côtés de Nelson Mandela. Lorsque l’Apartheid tomba, il présida la Commission de la vérité et de la réconciliation. Son combat lu valu le Prix Nobel de la paix en 1984.
C’est, au sens strict du terme, un personnage historique qui vient de nous quitter. Malheureusement, l’archevêque Tutu est mort le 26 décembre 2021, lendemain de Noël, où le monde faisait face à un nouveau variant du Covid et son décès ne reçut sans doute pas la couverture médiatique qu’il méritait.
Mais Desmond Tutu allait encore faire parler de lui par le choix de ses obsèques : il avait opté, par souci d’écologie, pour l’aquamation. Un procédé qui consiste à déposer le corps dans une solution d’eau et de produit alcalin qui, chauffé à 150 degrés, va entièrement dissoudre les chairs. Ne restent plus que les os, qui, broyés, sont remis à la famille dans une urne.
La médiatisation de ces obsèques a remis sur le devant de la scène l’aquamation, une des nouvelles méthodes pour traiter les corps des défunts, auquel votre serviteur avait déjà consacré un article, peu amène il est vrai. Mais face aux réactions sur les réseaux sociaux qui demandent, nombreuses, pourquoi ce procédé n’est pas disponible en France, puisqu’il « suffit » de l’autoriser, quelques précisions semblaient s’imposer.
Le funéraire est raide
Non, non et non, il ne « suffit pas » d’autoriser l’aquamation pour qu’elle soit disponible en France. Enfin, si, techniquement, on peut : les entreprises de pompes funèbres auront tout le loisir de l’inscrire au catalogue, tout en spécifiant à la famille que c’est là pour faire joli, puisque tout le reste est illégal. En réalité, c’est une grande partie du droit funéraire qu’il faut réécrire entièrement.
Le cercueil est obligatoire en France. On ne va pas détailler toute la législation le concernant, mais, pour faire simple : il faut un cercueil, et une fois que le défunt est dedans, il est interdit de l’en sortir pour une période incompatible avec l’aquamation, qui se pratique sans cercueil.
Ledit cercueil, fermé, est obligatoire pour les lieux de culte et de cérémonies, mais aussi pour les transports. Premier point, donc : si l’on veut permettre ce procédé, c’est toute la législation française sur le cercueil qu’il va falloir réécrire.
Mais ce n’est pas fini. Il va falloir aussi reconsidérer la législation sur les transports de corps avant et après mise en bière. Et les procédés de conservation des défunts. Oui : les tables réfrigérées ne suffisent pas toujours, et les soins de conservation sont contre-productifs dans ce cas précis.
L’aquamation est censé être un processus écologique où les chairs dissoutes servent d’engrais aux plantes. Si ce bouillon de cultures est saturé de formol, nul doute que la végétation subira quelques difficultés.
Enfin, imaginons, et nous sommes totalement dans le cadre de la science-fiction : l’aquamation est autorisée, la législation sur les cercueils et les transports de corps a été entièrement remaniée, et on a trouvé un moyen « vert » de conserver les corps le temps que le petit-fils qui habite Honk Kong ou Le Cap aie réussi à prendre un avion. Il reste la question : qui en voudra ? Parce que les investissements sont lourds, et doivent être rentables. Surtout que si le modèle choisi est le même que pour les crématoriums, in fine, en cas d’échec, c’est le contribuable qui paiera. Ce qui donne son mot à dire à l’intéressé.
Tout cela n’est pas pour dire que nous ne voulons pas de l’aquamation. Juste pour rappeler que le procédé, ou un autre, demandera une réécriture totale du droit funéraire. Et donc, un débat de société sur nos coutumes funéraires, avec lesquelles la législation s’interpénètre. Autant dire que ce n’est pas gagné. Rappelons à toutes fins utiles que la crémation a mis 100 ans à être légalisée, puis, une fois autorisée, 100 ans de plus à s’imposer. Bon courage, et surtout bonne chance.
Guillaume Bailly
Merci MR Bailly pour vos articles et vos informations .
Dans le milieu du funéraire, la législation est stricte et compliquée parfois.
Les précisions que vous donnez, sont claires, précises et peuvent être bien utiles.