Image: Projet de création de crématorium, Ploërmel
Il est de plus en plus fréquent d’entendre parler de retards de crémation, et ce, malgré l’allongement du délais légal de une à deux semaines. Une situation qui devient préoccupante, surtout que les tentatives de réponses à la demande sont en butte à des difficultés.
La crémation d’aujourd’hui
En France, la crémation est devenue une pratique funéraire de plus en plus répandue. Environ 42 % des défunts sont aujourd’hui crématisés, contre seulement 1 % dans les années 1980. Cette augmentation résulte de divers facteurs, notamment des considérations écologiques, économiques et philosophiques.
Le coût moyen d’une crémation est généralement inférieur à celui d’une inhumation, rendant cette option plus accessible pour certaines familles. La crémation est également perçue comme une alternative plus respectueuse de l’environnement, notamment en raison de l’empreinte écologique supposée réduite par rapport aux enterrements traditionnels.
Face à cette demande croissante, le nombre de crématoriums a augmenté de manière significative. En 1980, la France comptait moins de dix crématoriums. Aujourd’hui, on en dénombre plus de 220, répartis sur l’ensemble du territoire. Toutefois, cette expansion n’a pas été homogène : les régions les plus densément peuplées, comme l’Île-de-France, les Hauts-de-France et la Provence-Alpes-Côte d’Azur, sont mieux dotées en infrastructures que certaines zones rurales. Il n’est pas rare de devoir faire une heure de route pour atteindre le crématorium le plus proche, notamment dans les régions du Centre.
Et malgré cette croissance forte des équipements, de nombreux crématoriums font face à une saturation importante, entraînant des délais d’attente parfois très longs. En Drôme et en Ardèche, par exemple, il peut falloir jusqu’à 15 jours pour organiser une crémation. Ces retards sont exacerbés par des pics de mortalité saisonniers, notamment lors des épidémies de grippe ou de canicule.
Pour répondre à cette saturation, plusieurs projets de crématoriums ont été lancés, mais certains ont pris du retard en raison de problèmes administratifs, de difficultés d’approvisionnement en matériel ou d’oppositions locales.
Par exemple, le projet de crématorium à Ploërmel (Morbihan) a été retardé en raison de changements de fournisseur et de modèle d’équipement de crémation. De son côté, le projet à Cosne-sur-Loire a été purement et simplement abandonné pour des raisons financières et de difficultés d’approbation.
D’autres projets ont subi le même sort, notamment à Écouflant, près d’Angers, en raison de contraintes techniques et d’une opposition locale, ainsi qu’à la porte de la Villette à Paris, où les riverains et les élus ont fait bloc contre sa construction.
Face à ces défis, certaines communes et intercommunalités adaptent leurs équipements et conçoivent de nouvelles infrastructures. Par exemple, à Thionville, un projet de centre funéraire intégré, regroupant crématorium et funérarium, a vu le jour avec des installations modernes destinées à fluidifier le processus et réduire les délais.
Mais le fait est que le modèle français semble avoir atteint un plafond de verre : si la demande existe, la législation met des bâtons dans les roues de l’offre. La question étant : faut il améliorer la loi existante, ou complètement changer de modèle ? Dans tous les cas, la réponse ne sera pas rapide.
Guillaume Bailly