Savez vous quel est l’urne funéraire la plus lointaine ? Alors que le télescope qui lui a servi à découvrir Pluton vient d’être rénové, voici l’histoire incroyable d’un petit fermier de l’Illinois appelé Clyde Tombaugh.
Neuvième planète
Clyde Tombaugh ne se doutait sûrement pas du destin qui l’attendait. Fils d’agriculteurs de l’Illinois, il grandit entre les champs et les étoiles, bricolant ses propres télescopes à partir de pièces de machines agricoles, encouragé par son père et son grand-père, tous les deux amateurs d’astronomie. Un jour, il envoie à l’observatoire Lowell ses dessins de Jupiter et Mars, espérant un avis. La réponse dépasse toutes ses attentes : il reçoit une offre d’emploi.
Engagé pour traquer la mystérieuse « Planète X », Clyde scrute le ciel sans relâche. En 1930, après des mois de patience, il découvre… Pluton. Trop petite pour être la planète recherchée, mais une découverte historique tout de même.
Son succès attise cependant la jalousie de Vesto Slipher, directeur de l’observatoire, qui l’évince. Mais la réputation de Clyde Tombaugh a, de toute façon, déjà passé les murs de l’observatoire. Rentrant dans la ferme de ses parents, désappointé, il trouve une lettre de l’université du Kansas, qui se propose de l’accueillir et de lui payer ses études. En 1939, Clyde Tombaugh qui fabriquait ses télescopes à partir de vieilles pièces agricoles, est docteur en astrophysique.
Toute sa vie, il cherchera, en vain, la planète X. Il découvrira, durant sa carrière, une nova, deux comètes et quatorze astéroïdes, cinq amas dits « ouverts », d’étoiles du même âge liées entre elles par la gravitation, une flopée d’amas de galaxies et un superamas, toujours par l’observation. Une très, très belle carrière.
Et puis, en 1997, Clyde Tombaugh ferme les yeux pour toujours.
Le dernier voyage
En 2006, la NASA lance New Horizons, une sonde destinée à explorer Pluton. L’anecdote dit que l’idée est venue d’un administrateur de la NASA qui voulait envoyer une lettre. Prenant un carnet de timbre édité par la poste américaine à l’effigie des planètes, il se rendit compte que la seule dont on n’avait pas l’image était Pluton, unique planète découverte par un américain. A la réunion suivante, il aurait lancé le projet en disant « il nous faut un neuvième timbre ».
L’histoire de la sonde New Horizons est folle (et si elle vous intéresse, elle est dans mon livre « Le cimetière des gens heureux », un peu de publicité ne nuit pas), mais ce qui nous intéresse ici, c’est l’homme qui frappe à la porte des enfant de Clyde Tombaugh. Un émissaire de la NASA qui souhaite les inviter à découvrir la sonde.
Ainsi, la famille du découvreur de pluton est conviée au laboratoire où la sonde est fabriquée. On leur explique le projet, on leur montre tous les plans, jusqu’à l’arrivée du directeur de l’agence spatiale lui-même. Il leur demande simplement « vous pensez que votre père aurait été content d’être du voyage ? ».
En janvier 2006, la fusée Atlas V décolle, emportant avec elle la sonde New Horizons, qui comporte un petit compartiment dans lequel se trouvent les cendres de Clyde Tombaugh.
L’aventure aussi est folle. Lorsque New Horizons décolle, elle vise Pluton, qui est une planète, mais lorsqu’elle arrive, suite à une décision de l’Union Astronomique Internationale, Pluton est devenue un objet transneptunien. Même la sonde elle-même tourne littéralement avec une console de jeux Nintendo.
Mais New Horizons ne dévie pas de son long voyage, et, plus de onze ans plus tard, le rendez-vous a lieu : New Horizons survole Pluton à 11 000 kilomètres de distance. La sonde prendra plusieurs photos, dont la transmission prendra 15 mois au vu du très faible débit.
New Horizons poursuivra ensuite son exploration de la ceinture de Kuiper, au-delà de l’orbite de Pluton. Puis elle finira par en sortir, quittant le système solaire, emportant avec elle vers l’infini de l’univers Clyde William Tombaugh, fils d’agriculteurs de l’Illinois dont l’urne funéraire est la plus lointaine de son sol natal de l’histoire.
Guillaume Bailly